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Etre femme et immigrée à l'époque de la construction navale à la Seyne-sur-Mer

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Transcription : Femme d'un manœuvre des chantiers dès 1974

Collecteur : Prestataire exterieur
Langue : Français

Qualité du son : bonne


L'enfance au Sénégal Écouter cette séquence

[...] On est paysans, 2 grands frères et 1 grande sœur. J'ai vécu au pays jusqu’à mon mariage. On va aux champs, surveiller les bêtes, les parents avaient des vaches, des moutons. On commence à travailler jeunes, pas comme ici, on commence aux champs vers 6 ans, moi je ne suis pas allée à l’école. Avec tes parents, tu es bien, on est bien, on est bien, y’a rien de mauvais, rien, on est bien ensembles, ambiance avec les autres, les parents nous aiment bien et nous aussi, y’a pas de problèmes.


Le parcours de la famille Écouter cette séquence


Le mariage, la rencontre avec le futur mari Écouter cette séquence

[...] On connaissait ses parents là-bas, on est de là-bas tous. Il était venu travailler en France avec son oncle. On est pas nés ensembles, comment on va le connaître ? Non, non non, je le connais pas. Il est venu, il m’a vue, m’a demandée en mariage. Nous, c’est pas comme maintenant, fréquenter. Il vient demander la main aux parents. Il m’aime pour mariage. Quand on aime, on demande. Ses parents ont demandé. J’ai dit oui. Y’en a qui ont déjà demandé, j’ai pas voulu. Il a 12 ans plus que moi.

Je savais qu’il travaillait, je sais pas ce qu’il fait, j’ai pas demandé, je sais qu’il est ici, il travaille. Pas demandé. On questionne pas là-bas, les filles. Quand tu te maries, tu quittes tes parents. Je savais pas je quitterai le Sénégal, après j’ai quitté. Au début tu peux pas savoir. Il m’a demandé, ils m’ont pas dit qu'il travaillait en France. On a fait le mariage là-bas à la mairie, comme ici, les papiers, c’est mes parents qui s’occupaient avec les parents de mon mari.


L’arrivée en France et la solitude Écouter cette séquence

C’était dur. Je comprends rien. Bien avec lui. Quand il part au travail, je reste à la maison. Après j’ai eu mes enfants. Avec les gosses après ça allait, t’es pas seule, tu parles. Quand les gosses commencent à grandir, tu sors, tu amènes à l’école avec les autres, on rencontre les copines. Tu vas au marché. Quand tu arrives, tu connais pas la route, rien. Après, petit à petit, tu connais les gens, les voisins. Y’avait la tante de mon mari, mais elle habitait au Floréal, moi j’habitais au fond du chantier là-bas, je viens des fois, je prends le car, je viens, elle m’a expliqué tu prends le car, tu viens, mais je viens pas tout le temps, c’est loin, et je connais pas. La femme de son oncle. C’est son oncle qui l'a amenée en France.


Le premier logement à La Seyne en 1966 Écouter cette séquence

Au fond là-bas, parce que lui il a trouvé la maison que là-bas, au studio. Mais il travaillait pas au chantier dans ce temps, il travaillait à l’arsenal. Le manœuvre. Il a pas de métier lui. Il travaille, je sais pas ce qu’il fait. Il travaille. Maison derrière, au chantier, une maison que quelqu’un avait louée. La banane était déjà. Par là c’était la forêt, y’avait que le Floréal. Messidor, y’avait des vignes. Quand tu prends le car, y’avait pas beaucoup de monde.

[...] Il m’a laissée là-bas 9 mois, j’ai accouché de ma fille, après je rentrée ici. Elle est petite encore, mais pas seule. Maison T1 avec la cuisine, on est bien, que 2 avec la petite.

Interviewer : C’était cher ?
Madame : Je sais pas, c’est lui qui paye, je connais pas. Marché avec ma tante pour apprendre le français.


Les horaires de travail, la vie quotidienne Écouter cette séquence

Tout le temps, jusqu’à sa retraite. Au début à l’arsenal. Je sais pas, il est dans l’entreprise. C’est le travail. Il part en car, je dormais encore, 6 heures. Je me lève pas. Connais pas ça. Lui, il se prépare, il prend son café, il part. Je dors moi alors. [...] Je me réveille la nuit pour donner la tétée tout ça, après je redors. Le soir il rentre 6h30-7 heures, le temps qu’il prenne le car. J’attends. Y’a des jours il est fatigué, il rentre, il mange et au lit. Moi je reste un peu, après on dort. Dimanche, on fait rien, on va chez la tante, on rentre chez nous, y’a rien à faire. On va à la messe. A La Seyne, en ville. Bonjour, c’est tout. On est catholiques.


L'arrivée du deuxième enfant Écouter cette séquence

Je l’ai eue au bout d’un an. La première a 13 mois. L’accouchement, c’est l’accouchement, tu vas à l’hôpital et tu accouches, c’est tout. Là bas, c’est les sœurs qui m’ont fait accoucher, en ville, comme ici, pas de problème. Madeleine, elle est sage. Bien passé. Les hommes y’a pas de surprise. Dans le temps, ils disent pas. Peut-être il attendait un garçon, il a pas dit. On parle, on discute rien du tout.


Changement de l'arsenal aux chantiers en 1974 Écouter cette séquence

Arsenal jusqu’à 74, après au chantier. Si ça se passe bien, il demande pas à changer. Ça je sais pas, je connais pas l’histoire du travail. C’est son cousin qui a demandé la place, je connais pas ça. On est pas des questionneurs, je sais pas. Les femmes, elles s’occupent pas de boulot. Son cousin, ils est resté avec lui jusqu’à sa retraite. Peut-être il est mieux payé.

Interviewer : Des amis ?
Madame : Au boulot bien sûr tu dois en avoir, quand tu es au travail avec les gens, tu es obligé d’avoir des amis. Ils viennent à la maison des fois. Y’a de tout, c’est les collègues de travail.

Interviewer : Votre mari était apprécié à son travail ?
Madame : Je sais pas. Je travaille pas avec lui, comment je peux savoir. Je m’occupe pas de ça. Je pose pas de questions. On est pas des questionneurs tous les deux.


Les retours au Sénégal Écouter cette séquence

Des fois oui, on a des parents là bas. C’est cher. Ça fait deux ans et demi que j’étais. Quand je travaillais, tous les deux, trois, des fois sept ans. Maintenant c’est pire, avec la retraite pas de sous. Y’a encore la maman, ça manque. Mais quand tu peux pas, tu peux rien faire.


La méconnaissance du métier du mari Écouter cette séquence

Il est manœuvre, je sais pas, il appelle ça manœuvre, il travaille, c’est tout, il a pas de métier, je sais pas si y’a du métier, mais il appelle manœuvre, c’est tout, jusqu’à sa retraite.

Interviewer : En 90 ?
Madame : J’ai oublié. Ça fait un moment. Pas licencié, ils l’ont changé de poste de travail, il continue jusqu’à sa retraite. Il a fait son boulot jusqu’à sa retraite.

Interviewer : Quand ils l’ont changé ?
Madame : Ils l’ont mis à côté, dans une..., c’est au chantier mais dans une..., ils l’ont mis par là, vers la gare, au CNIM, après jusqu’à sa fin, ça y est.

Interviewer : Il était au syndicat ?
Madame : C’est quoi ça ? Il doit y être. Je sais pas. Colonies de vacances, les miens n'y vont pas.


Les débuts du travail du témoin Écouter cette séquence

Interviewer : Quand votre mari était au chantier, est-ce que la vie était mieux que quand il était à l’arsenal ?
Madame : Je sais pas, mieux quoi ?… moi je sais, quoi, mieux ou pas mieux, je sais pas… en ce temps là... quand il était au chantier, je travaille moi aussi, alors je vois pas, je fais mon boulot, lui il fait son boulot, on rentre le soir, on paye nos dettes, ah ben y’a quoi encore ? y’a rien. Je sais pas, moi je sais pas ça.
J'ai commencé à travailler en 81. J'ai commencé à travailler quand j’ai fini de faire des petits. J’ai eu 5 gosses. Quand mon fils a eu 2 ans, j’ai commencé, trouvé des remplacements, dans un centre de vacances à Sanary. L’été, les colonies, après les périodes des personnes âgées, septembre, octobre. Service de chambre. Dans ce temps j’ai la voiture, j’ai le permis. Quand on sait pas, il faut apprendre, c’était difficile.

Ça va, jusqu'à ce que l'entreprise ferme. Plutôt, le patron est parti, d’autres associations ont pris, mais moi j’ai arrêté en 87, parce que c’est plus le même boulot. Ça m’intéresse pas, difficile et pas payé comme avec l’ancien patron. Trop de travail. J’ai trouvé autre chose, après j’ai arrêté, mais c’était bien avant.


L'apprentissage du français Écouter cette séquence

Quand tu sors avec les gosses, en parlant. Après on est rentrés dans un centre, couture, alphabet, petit à petit ça vient, mais pas tellement. Après ça y est, les copines, au travail. Quand on travaille en groupe, on parle, ça vient. Les copines m’apprennent à lire, c’est elles qui m’ont trouvé le boulot à Sanary. Elles aussi ont changé de boulot, après on se voyait plus. Mais on se téléphone. Le centre c’était à Berthe, peut-être vers 75, les enfants étaient petits, on les amène à la garderie. On est plein là-bas. Maintenant, la retraite, je viens ici.


Les déménagements Écouter cette séquence

Après le chantier on habite en ville, à la mairie, rue de Beausset, un F2. Après de là-bas à ici, Messidor, j’avais trois gosses. J’en ai fait deux ici, en plus. Mon mari avait demandé l’appartement. Pour être plus grand. Ça fait longtemps, en 70. Jusqu’à maintenant. C’est bien. Quand tu habites, tu payes. Pas de sous.


La vie des hommes au chantier et à l'arsenal Écouter cette séquence

Oui, oui, tous les maris. Avant, c’était le chantier, l’arsenal, y’avait que ça, pas d’autres choses. C’était les grandes entreprises.

Interviewer : Et c’était un travail difficile ?
Madame : Je sais pas, moi, je sais pas, j’ai pas travaillé dedans, comment tu peux savoir ? Je sais pas ! C’est pas une femme qui a travaillé dans les chantiers.

Interviewer : Il y en a qui ont travaillé dans les chantiers, des femmes ?
Madame : Oui mais je connais pas. Je sais pas.
On est là, les maris travaillent, les gosses, on était bien.

Interviewer : Contente d’être là ?
Madame : Le mari ici, obligée de venir, content ou pas content. On est là.


Femme de ménage Écouter cette séquence

[...] Le ménage, c’est pas évident.
Pour les enfants, je récupère à 4 heures. Ils mangent à la cantine. Le travail, ils me laissent rentrer, obligé.


La retraite Écouter cette séquence

Ça va. Il est à la maison. On est à la retraite, on repose. Fatigués avec l’âge, même moi.

Interviewer : Santé ?
Madame : Ça va. C’est l’âge.

Interviewer : Pensé retourner au Sénégal ?
Madame : Y’a les gosses, on veut pas laisser. On aime bien aller vacances, 6 mois. Si on peut. Mais il faut les sous.

Interviewer : Partir définitivement ?
Madame : Peut-être un jour. Le mari y pense. C’est pas nous qui décidons, c’est le bon Dieu.


La localité et le travail des enfants Écouter cette séquence

Ils travaillent, ils sont partis, à Paris, y’en a qui sont à Paris, ils sont pas là.

Interviewer : Alors un à Paris ?
Madame : Trois à Paris, une à Cannes, et une fille à Toulon avec son mari.

Interviewer : Donc aucun n’est resté à la Seyne ?
Madame : Aucun, y’a pas de travail, aucun. On aimerait mais La Seyne ne prend pas les gosses, c’est dommage.

Interviewer : Qu’est-ce qu’ils font comme travail ?
Madame : Ah, ils font tout !

Interviewer : Dites-moi, racontez-moi.
Madame : Ben, ils font leur métier, l’électricité, l’autre mécanique, et l’autre chauffeur de bus.
Ma première fille travaille dans la crèche à Paris, ma deuxième fille a des gosses, pas de travail. A Toulon, elle cherche, trois gosses, c’est son mari qui travaille. Les trois garçons travaillent. A l’école, ils ont travaillé jusqu’à leur niveau comme ils peuvent. On peut pas leur payer l’école, ils se sont débrouillés comme ils peuvent, ils ont eu leur métier. On peut pas aller loin. Eux, ils veulent pas continuer déjà. Ils ont pas demandé. Maintenant ils travaillent tous, c’est la santé qu’il faut souhaiter.


Les petits enfants, le travail ailleurs qu'à La Seyne Écouter cette séquence

J'ai quatre petits-enfants, ils sont pas loin, à Toulon, et l’autre il est avec moi à la maison, le plus grand. Sa mère était ici, après partie à Paris trouver le boulot, il veut pas y aller, il est resté avec moi. 18 ans. Fils de ma fille aînée. Il va à l’école. C’est de la compagnie, on reste pas seul, on aime bien garder les gosses. Seul, c’est pas bon. Lui, il veut rester, il reste avec mamie. Quand les gosses partent, c’est dur. Nous, les africains, on aime pas rester seuls. C’est pas bon. Mais ici, t’es obligé, il faut qu’ils partent, il faut qu’ils travaillent. S'il y avait du boulot ici, ça sera bien.


Les origines sénégalaises Écouter cette séquence

Ils sont avec moi, ils sont obligés d’être comme moi. Ils parlent les deux. Ils sont allés au Sénégal, connaître les parents, ils savent. Les petits enfants, ils savent que leur mère est sénégalaise. Il faut.


Les fêtes au foyer d'hébergement des jeunes travailleurs immigrés Écouter cette séquence

[...] Malheureusement quand je suis venue, les chantiers avaient fermé. La plupart des personnes sont parties dans d’autres villes trouver du travail, Saint-Nazaire, le Havre, les chantiers en activité, continuer le travail qu’ils avaient appris à La Seyne.
[...] Le foyer se trouve au milieu de la cité. Maintenant ces personnes ont vieilli, mais elles racontent souvent ces fêtes qui s’organisaient dans leur bâtiment.


L’argent du travail et les voyages au Sénégal Écouter cette séquence

C'est pour aider le mari, pour voyager, tout le monde, quand tu es avec le mari, obligé. Pas de sous, on part pas. Première fois en 83 j’y suis allée. Les gosses ont grandi un peu, on est partis. Je peux pas garder les sous rien que pour le voyage. C’est le mari qui organise. C’est pas que tu gardes les sous, tu t’en vas avec, c’est pas le mariage ça. Je suis partie seule. Lui il travaille, il est resté avec les gosses. On a pas pensé amener les enfants, pensé à moi, il m’a laissée partir, voir les parents. Lui après, il est parti en 90. Avec les enfants, y’a pas longtemps, ils étaient grands, c’est eux qui payent leur billet.
Mon mari n’aime pas les chèques. Moi je sais pas faire, les enfants les remplissent.