Accueil > Etre femme et immigrée à l'époque de la construction navale à la Seyne-sur-Mer > Femme d'un maçon des chantiers dès 1970
Qualité du son : bonne
Interviewer : Alors, tout d’abord Mme... est-ce que vous pourriez vous présenter rapidement ?
Mme : Je m’appelle ..., je suis née le 14/04/44 à Castellamare di stabia, provincia de Napoli, près de Naples.
Interviewer : Comment est-ce que vous avez connu votre mari ?
Mme : J’ai connu mon mari par mes cousines et après ils ont pris des photos et mon mari m’a vue. On s’est connus comme ça.
Interviewer : Il vous a vue sur les photos. Et il habitait où votre mari ?
Mme : En France, à La Seyne.
Interviewer : En fait, après que s’est-il passé ? c’est lui qui vous a rejoint à Naples, où c’est vous qui l’avez rejoint à La Seyne, exactement ?
Mme : On s’est d’abord vus à Naples. Après on a fait les fiançailles en famille et après, au mois d’août, on a fait la cérémonie de mariage.
Interviewer : Qu’est-ce qu’il s’est passé après le mariage ?
Mme : Après le mariage, on a fait la fête et une semaine après on est partis pour la France, à La Seyne.
Interviewer : Le mariage, c’était en quelle année ?
Mme : 1961.
Interviewer : Comment se fait-il que votre mari était déjà installé à La Seyne ?
Mme : Parce qu’il y avait mes beaux-parents qui y habitaient déjà. Ils y sont venus avec mon mari.
Interviewer : En fait, quand vous êtes venus vous installer à La Seyne, vous vous souvenez dans quel quartier vous vous êtes installés ?
Mme : Je suis allée habiter chez ma belle-mère. Elle habitait juste en face de la pharmacie des Chantiers de l’autre côté, derrière.
Interviewer : Et votre mari faisait quoi ?
Mme : De la maçonnerie, du carrelage, il faisait de la peinture et il travaillait aussi, des fois, avec son père.
Interviewer : Il avait une spécialité votre mari, ou il faisait un peu tout ?
Mme : Il faisait un peu tout, mais le plus c’était le carrelage. Il aimait bien parce qu’il avait des diplômes français. [...]. Il a eu beaucoup de travail dans la maçonnerie avec des patrons.
Après, il s’était mis à travailler à son compte avec un copain italien de Naples, mais ça n’a pas marché.
Il avait beaucoup de dettes.
Interviewer : En fait, il a dû fermer son entreprise.
Mme : Voilà, on est partis habiter chez ma belle-mère, après qu’on ait mis un peu de sous de côté et on a habité tout seuls, à La Seyne, à la rue Brassevin.
Interviewer : Et ça c’était en quelle année ?
Mme : C’était avant que naisse C..... (avant 1969).
Interviewer : Vous aviez déjà des enfants ?
Mme : À ce moment là j’avais déjà eu M...., on habitait avec ma belle-mère.
Interviewer : Certains de vos enfants sont nés en Italie ?
Mme : Et oui il y a R.... Lui est resté vers ici, je dis pas qu’il a disparu parce qu’on s’est disputé et moi j’étais toute seule.
Interviewer : Et donc c’est pour ça que R..., seule, est née à Naples.
Mme : Oui, j’étais seule à Naples. Et tous les autres enfants sont nés à La Seyne. Elle, elle est née d’abord [M.... en 1963].
Interviewer : C’était à quel endroit ?
1ère fille : C’était près du chantier, il y avait la clinique. C’est en 63 que je suis née, le 9 Juin.
Interviewer : Comment il est entré aux chantiers ?
Mme : Il est entré après un stage entre copains qu’il a fait dans le chantier.
Il est resté pendant trois mois. J’avais déjà les quatre filles.
1ère fille : Donc ça remonte à 68.
Interviewer : En fait, ça n’a duré que trois mois. Après il est revenu et il a refait de la maçonnerie ?
Mme : Et oui.
Interviewer : Et à quelle occasion est-ce qu’il a fini par entrer définitivement aux chantiers ?
Mme : Quand ma fille est née, dans le bâtiment je connaissais du monde et j’étais enceinte du cinquième. Il est né, à la clinique du Cap d’Or. Une voisine très gentille avait son fils qui travaillait dans les chantiers et c’est là que mon mari est rentré vraiment, en 70.
1ère fille : J...., c’était un chef de chantier qui l’a fait entrer.
Interviewer : Il avait une place un petit peu plus importante.
Mme : Et comme déjà il avait été pendant trois mois…
Interviewer : On le connaissait.
Mme : Il l’avait fait entrer parce qu’il avait bien travaillé là-dedans.
Interviewer : Qu’est-ce qu’il y a fait, à ce moment là, aux chantiers ?
Mme : Il faisait un peu de tout, plus de la maçonnerie que sur les bateaux.
C’est après, petit-à-petit, qu’il montait sur les bateaux. Il faisait de la peinture, de l’isolation avec l’amiante, la laine de verre. Il est tombé aussi, il s’est cassé la jambe.
Interviewer : Comment est-ce qu’il s’est fait ça ?
Mme : Il a glissé dans l’escalier, quand il est descendu dans les cales. Il s’est cassé la jambe et il est resté un bon moment plâtré à l’hôpital.
Interviewer : Mais après, j’imagine qu’il a repris son travail aux chantiers.
Mme : Ah oui, il a repris le travail parce qu’il était en contrat indéterminé.
Interviewer : D’accord. Il a fini sa carrière aux chantiers. Vous êtes née en 1944 et votre mari était de quelle année ?
2ème fille : 22 Juin 40.
Mme : On a quatre ans de différence.
Interviewer : Donc, en gros, on peut dire que s’il a terminé vers 60 - 65 ans, donc...
Mme : Non.
Interviewer : Moins que ça ?
Mme : Et oui, parce que le chantier a fermé, ils l’ont licencié.
Interviewer : Ah d’accord. Il a pas terminé, il est parti un peu avant.
Mme : C’est pas lui, c’est eux parce que les chantiers n’avaient plus de travail. Ils lui ont demandé s’il voulait l’argent, ou s’il continuait et que c’était eux qui, tous les mois, continuaient de donner les sous de la retraite jusqu’en 62 pour la pension.
Et mon mari, il a pris les vingt millions. Il a été pendant trois ans sans avoir de chômage.
On a pris la maison avec l’argent.
2ème fille : En fait, c’est quand ils ont proposé aux ouvriers le licenciement économique, c'est-à-dire de partir avec les vingt millions ou de continuer mais être payé moins.
Et c’était donc à la fermeture, il est resté quand même... parce qu’il les a pas pris au début, il a quand même attendu.
Interviewer : Et après son licenciement, quelle activité il a eue ? Qu’est-ce qu’il a fait après les chantiers ?
Mme : Il a été d’abord au chômage et après il a travaillé en bénévolat avec des copains.
Interviewer : Est-ce qu’il vous présentait des fois des copains qui travaillaient avec lui aux chantiers ?
Mme : Ah oui, je les rencontre même maintenant. Ils me disent toujours bonjour. Monsieur JC, monsieur M, monsieur C, il est très gentil ce monsieur, chaque fois qu’il me voit, il me fait la bise. Il en avait des copains.
Interviewer : Vous aviez beaucoup d’amis liés aux chantiers.
Mme : Ce monsieur C il m’avait présenté un autre copain qui était aussi bien ami avec mon mari.
Interviewer : Est-ce que votre mari s’est impliqué au point de vue des grèves, au point de vue syndical, ou peut-être avec ses copains du chantier ?
Mme : Ah oui. Quand il y avait beaucoup de grèves il n’y allait pas parce qu’il avait peur des bagarres, mais il participait.
2ème fille : Sinon, il était adhérent à la société Amians.
Mme : Et encore ils m’envoient des chèques qu’il faut que je paie et comme mon mari est parti et ils n’ont pas voulu le savoir et moi je ne veux pas payer.
2ème fille : En fait ils essayent de relancer pour que maman adhère.
Mme : Ils ne l’ont pas accepté parce qu’ils ont dit qu’il est parti.
2ème fille : C’est pas la même chose. L’Amians c’est ce à quoi papa cotisait. C’est l’association des ouvriers du chantier. Toi ce que tu parles c’est l’amiante.
Mme : J’ai confondu, il était en train de monter un dossier pour l’amiante.
Interviewer : C’est très proche parce qu’entre autre l’Amians aide justement les anciens du chantier à monter leur dossier.
Mme : Et je m’excuse parce que moi, en ce moment, comme je suis plus avec l’Italie, je vais chez ma mère, je parle italien, j’oublie un peu le français.
Interviewer : Est-ce que votre mari a senti venir la fin des Chantiers ?
Mme : Ah oui, entre copains ils le disaient toujours. Il y en avait qui partaient toujours avant lui et qui ne travaillaient pas. Il y en avait, avec mon mari, qui travaillaient tout le temps et pour qui l’heure, c’était l’heure.
Ça je me rappelle bien.
Interviewer : Et est-ce qu’il vous disait comment ça fonctionnait dans les chantiers ? Il trouvait que ça tournait bien ou est-ce qu’il se disait qu’il y avait pas mal de soucis ?
Mme : Il y avait du souci parce qu’il y avait trop de monde qui ne travaillait pas assez. Il y avait du travail, résultat les choses n’étaient pas faites.
Interviewer : Est-ce que la vie des chantiers a influencé votre vie quotidienne ?
Mme : Oui, j’étais très heureuse. On avait beaucoup de loisirs, des magasins, l’arbre de Noël, il y avait des fêtes.
Interviewer : C’était organisé par les chantiers tout ça ?
Mme : Ah oui, il y avait même les colis, il y avait beaucoup de choses. Il y avait aussi des fêtes organisées, de la danse, du sport. Quand c’était l’hiver si on voulait partir à la neige, on pouvait y aller. Il y avait de tout et surtout il y avait la coopérative du chantier qui vendait du linge, l’alimentation, des bibelots.
A un autre endroit, il y avait un magasin d’électroménager et nous on avait acheté le congélateur, le frigo, la télévision, un lustre … On achetait ce qu’il fallait dans la maison et c’était retiré directement sur le salaire de mon mari.
Interviewer : Ça faisait partie des avantages liés aux chantiers.
Mme : Ah oui, on avait quand même des avantages, qu’avec une famille nombreuse on n’aurait pu se permettre.
Il y avait la mutuelle aussi qui était bien, la clinique des chantiers où j’ai deux enfants qui sont nés.
Il y avait les visites quand il y avait un lancement de bateau. Nous on avait le ticket, on allait voir avec les enfants la bouteille, la fête, le baptême, c’était agréable.
Et les fêtes de Noël, on avait les cadeaux pour les enfants. On avait le goûter, après il y avait le cinéma, c’était beau, le père Noël, les photos..., c’était agréable.
Interviewer : Quels horaires de travail avait-il ?
Mme : Il partait à sept heures et il rentrait presque à midi. Après il partait avant une heure et demie. Il ne mangeait pas à la cantine, il venait manger à la maison. Et à quatre ou cinq heures il rentrait à la maison.
2ème fille : d’où la fameuse sirène. Quand elle sonnait, il fallait rentrer à la maison parce que papa rentrait.
Mme : Voilà, mais ça c’était La Seyne quand il y avait le chantier. La Seyne était belle, vivante, il y avait du monde.
On se promenait même le soir dans la rue, même à sept ou huit heures et c’était beau et depuis que le chantier est fermé...
Interviewer : Qu’est-ce que vous avez ressenti quand ils ont démoli les bâtiments ?
Mme : Ah, ça m’a touchée, ça m’a fait mal parce que c’était un chantier où tout le monde travaillait, il y avait de la gaieté, c’était formidable.
Interviewer : Quand vous êtes arrivée à La Seyne, vous avez pu vous adapter facilement à la vie ici ?
Mme : Non, pas tout de suite. Moi le plus qui me manquait quand je suis arrivée à La Seyne c’était la propreté, le confort dans la maison. Il n’y avait pas de toilette, il n’y avait pas de lavabo. Il n’y avait pas de salle de bain. Et quand j’étais enceinte, j’habitais chez ma belle-mère, le matin on entendait la clochette avec le cheval et le camion qui passait pour ramasser tous les pots de chambre que chacun mettait en bas.
Interviewer : Oui il n’y avait pas le tout-à-l’égout.
Mme : Ah non. Et dans la maison avec toutes les personnes qu’on était, il fallait toujours qu’on fasse chacun son tour dans le même...
Interviewer : Et en Italie, c’était plus moderne ?
Mme : Ah oui. Chez moi il y avait déjà les cabinets, les salles de bains parce que nous aussi en Italie on avait les toilettes dehors sur le palier, mais pas comme en France où sur le palier il n’y en avait pas.
Interviewer : J’imagine qu’après ça c’est arrangé, avec un mari maçon.
Mme : Mais non pas du tout. Moi je suis venue en France, j’étais malheureuse, ça me manquait tout ça, le confort et ma liberté surtout, parce que je ne pouvais pas descendre de la maison. Mon mari travaillait, moi je restais 24/24 à la maison.
Interviewer : C’était parce qu’on vous défendait de sortir, ou c’était que comme à l’extérieur c’était un pays que vous ne connaissiez pas avec une langue que vous appreniez tout juste...
Mme : Ah oui. Comme moi j’étais italienne et que, ici, c’est la France surtout mon mari il avait peur que je me perde. Il ne voulait pas que je descende. Je descendais surtout quand il y avait ma belle-sœur A..., la sœur de mon mari, pour faire une promenade sur le port ou quand elle allait à l’école et c’est tout.
Autrement le dimanche quand mon mari, des fois, ne travaillait pas.
Interviewer : C'est-à-dire « des fois il ne travaillait pas », ça lui arrivait de travailler donc même le week-end ?
Mme : Le dimanche, parce qu’il faisait de la maçonnerie et s’il n’avait pas fini le samedi... quand vous prenez un travail sur un chantier s’il faut le finir, il faut le finir, ça dépend.
Interviewer : Quand il rentrait il racontait ses journées ?
Mme : Ah oui, en plus il était fatigué, il était très fatigué.
Interviewer : Comment est-ce que c’était à La Seyne, quand vous êtes arrivés, quand vous vous êtes installés ?
Mme : Quand je suis venue à La Seyne c’était plus gai. Il y avait beaucoup de monde parce qu’il y avait les chantiers ouverts. Il y avait, sur le port, une maternelle. Il y avait le kiosque à musique.
Même, en face des chantiers il y en avait qui jouaient aux boules à la place en face. Tous les gens du chantier allaient là jouer aux boules, au ballo. Enfin, le dimanche on se faisait une belle promenade et il y avait du monde sur le port.
Interviewer : Donc vous sortiez assez fréquemment ?
Mme : Ah oui, on sortait avec les enfants. On allait à la petite mer derrière le chantier en été, on allait à la plage.
On se promenait toujours d’abord sur le port, puis petit à petit plus loin à l’Aiguillette.
Interviewer : Les quartiers Nord de La Seyne, ceux qui ont été construits dans les années 60-70, ils n’existaient pas quand vous êtes arrivés.
Mme : Quand je suis venue en France ces bâtiments, les tours, Berthe, la Banane n’y étaient pas. Il n'y avait que des petites rivières, il y avait la campagne avec des animaux. Il y avait une église aussi, après ils l’ont transportée à côté de la sécurité sociale. Dans cette église, j’ai une fille qui a été baptisée.
Interviewer : Vous, personnellement, quand les chantiers ont fermé et que votre mari a touché le pécule et s’est retrouvé au chômage, est-ce que de votre point de vue et dans votre vie personnelle, la fermeture a eu des conséquences ?
Mme : Oui parce que mon mari n’avait plus de travail. On était une famille nombreuse et c’était dur de trouver du travail.
1ère fille : Et en plus on avait acheté l’appartement, il n’était pas fini de payer.
Mme : Et non, parce que même si mon mari avait pris les sous quand le chantier a fermé et qu’on avait remboursé avec, une partie du crédit de l’appartement, ça a été dur de finir de le payer.
Interviewer : C'est-à-dire que les vingt millions vous les avez ajoutés dans le remboursement du crédit de l’appartement.
Mme : C’est ça, parce que quand on a acheté l’appartement, on n'avait pas encore tout cet argent.
Interviewer : C’était vers 78-79, à peu près.
Mme : Oui parce que ça faisait à peu près 10-15 ans qu’on n'allait pas à Naples, qu’on mettait les sous de côté pour faire mieux les choses, avant que ferme le chantier.
Interviewer : Vous disiez que vous n’alliez pas... c'est-à-dire que vous économisiez par rapport aux voyages que vous faisiez assez régulièrement à Naples ?
Mme : Voilà, avec mon mari on avait quand même des avantages du fait qu’il travaillait aux chantiers.
Il gagnait vers les 600 je crois.
Interviewer : Vous y êtes retournés assez souvent à Naples ?
Mme : Ah oui. Quand mon mari travaillait aux chantiers, toutes les années j’allais chez ma mère à Naples pendant les deux mois de vacances d’été. Mon mari m’y amenait, après il repartait tout seul parce qu’il travaillait aux chantiers.
Interviewer : Au point de vue personnel, ça lui a fait quelque chose de ne plus travailler aux chantiers navals ?
Mme : Ah oui. Là je le dis franchement, il était malheureux. Il ne savait pas quoi faire de sa vie parce qu’avant il était bien, il faisait sa journée, il était heureux.
2ème fille : Je pense qu’à l’époque c’était pas comme maintenant. Je veux dire un homme qui ne travaillait pas c’était très rare.
1ère fille : Surtout que seul papa travaillait. Nous on était encore à l’école, c’était difficile.
Mme : Moi je n’ai jamais travaillé, parce que j’avais cinq enfants. J’ai essayé une fois, mais j’ai pas pu parce qu’avec tous les cinq, j’étais fatiguée. C’était difficile.
A midi, ils étaient tous à la maison à manger et il fallait préparer et à quatre heures et demie il fallait que j’aille les chercher.
J’ai travaillé peut-être deux-trois mois maximum.
Interviewer : Et vous faisiez quoi ?
Mme : J’étais femme de ménage dans les bâtiments, les escaliers, les caves. J’appelais toujours les deux grandes pour m’aider parce qu’il n’y avait pas d’ascenseur. Il fallait monter au cinquième étage.
Interviewer : Est-ce que vous auriez été tentée d’entrer aux chantiers, d’autant qu’on sait que les chantiers aidaient les dames qui travaillaient chez eux, au niveau des enfants avec les crèches, les écoles, etc. ?
Mme : Non, parce que mon mari ne voulait pas que je travaille. Il voulait que je sois à la maison, que je m’occupe des enfants et de lui.
En plus, je n’avais pas le temps.
C’est vrai depuis que mon mari n’est plus allé travailler aux chantiers, il n’a plus été le même, toujours malheureux.
2ème fille : Il n’a plus eu d’emploi fixe après, en quelque sorte.
Mme : Il était énervé, il disait qu’il n’arrivait pas. Parce qu’en plus la maison n’était pas encore payée. Il fallait qu’on paye le crédit et c’était dur et encore j’avais tous les cinq à la maison et moi qu’est-ce que vous voulez que je fasse.
Je ne pouvais plus tenir mon mari, il était agité. Des fois on se disputait.
Interviewer : Qu’est-ce qu’il a fait après, pour s’occuper ?
Mme : Il allait aider les gens qui avaient besoin, du bénévolat aux jardins, surtout aux fleurs.
2ème fille : Il avait un bateau à St Elme, aussi. Il faisait de la pêche. Il avait des loisirs.
Mme : C’était un copain qui lui avait prêté. Après il avait acheté le bateau avec un peu d’argent, juste pour aller pêcher. Il prenait les poissons avec son copain et c’est comme ça qu’il passait ses journées.
Parce que le travail, quand vous êtes au chômage, pour trouver à son niveau et à son âge, c’était dur.
Interviewer : Quand il a fini de travailler aux chantiers, il avait quel âge à peu près ?
Mme : Il avait dans les 57-58 ans.
Interviewer : Quel niveau d’études il avait ?
Mme : Quand on a acheté l’appartement, il allait suivre des cours du soir pour apprendre encore mieux le français. Il a fait quand même de bonnes études.
Mais, même quand j’avais mes enfants qui allaient au lycée, il s’était inscrit le soir, toujours pour s’occuper.
2ème fille : Comme maman ne comprenait pas trop le français, il fallait quelqu’un pour nous aider à faire les devoirs.
Interviewer : Et il allait où pour ses cours du soir, vous vous souvenez ?
2ème fille : C’était sur le boulevard Staline pour apprendre le français, en face de la place où il y a la papeterie, il y avait un centre linguistique.
Interviewer : Il a fait des études en Italie et il en a fait en France.
Mme : Ah oui, il a fait les deux. Ce n’est pas comme moi, je ne suis pas allée à l’école ici. Mon niveau d’études... je n’y suis pas allée jusqu’à la fin. Je suis allée jusqu’à 12 ans à l’école. Je ne suis pas allée dans les grandes écoles, lui oui.
Interviewer : Quand vous êtes arrivés à La Seyne, que vous vous êtes installés, est-ce qu’en tant qu’italiens vous avez senti des difficultés à vous intégrer ?
Mme : Bien sûr. Parce qu’avoir des contacts avec des gens, surtout que je ne sortais pas beaucoup, mais quand je sortais et que les gens me parlaient, je ne comprenais rien du tout. Moi j’ai commencé à apprendre le français quand mes enfants ont été à l’école. C’est là que j’ai commencé à parler un peu. Autrement j’ai eu du mal à parler avec les maîtresses. Je me faisais comprendre, mais je ne parlais pas,... avec les mains, les gestes.
Interviewer : Vous avez ressenti du racisme quand vous êtes arrivés en France ?
Mme : Ça non pas du tout. Parce qu’en France si je me souviens bien et même maintenant, les premières années c’était dur, mais après mes enfants ont commencé à aller à l’école. J’ai eu des contacts avec des italiens, quand on parle avec notre accent : « ah, toi t’es italien et bien moi aussi ». J’ai eu beaucoup d’amis quand même.
Après quand on sortait les petits de l’école, on allait à la plage. Ils n’étaient toujours pas avec les français, mais avec les italiens.
Et même sur le marché il y avait toujours des gens avec des petits bancs, que ma belle-mère m’avait fait connaître.
Il y avait toujours des italiens et on allait là directement et on achetait les choses qu’il nous fallait, les légumes...
Où il y avait la boulangerie, c’était des italiens.
Interviewer : Donc, ça vous permettait de parler italien.
Mme : Ah oui, tout à fait au lieu de dire : « donne-moi un peu de pain » on disait « dami un pesso di pane », naturel comme si on était chez nous, en Italie.
Interviewer : Est-ce que parmi vos amis italiens, il y en avait qui étaient également des amis de votre mari aux chantiers ?
Mme : Il y en avait un peu de ceux-là que je connaissais depuis que j’étais avec mon mari, pour les autres non.
Interviewer : Dites-moi vous, M..., est-ce qu’il y a d’autres choses que vous auriez envie de dire, par rapport à ce dont vient de parler votre mère ?
1ère fille : Oui, j’ai mon parrain, monsieur L, qui était négociant en vin. En cadeau, on va dire, il nous a naturalisées françaises, c'est-à-dire ma sœur H... et moi, pour aider mes parents à mieux s’intégrer à la France.
Parce que mon père petit à petit, au départ quand ils se sont mariés ils étaient italiens et il a travaillé chez mon parrain, avant d’entrer dans les chantiers et petit à petit toute la famille a été naturalisée française, pour mieux s’intégrer et avoir une vie meilleure en France. Mon père avait accepté, ma mère aussi, ça c’est fait comme ça.
Mme : Il nous a accueillis comme de la famille.
1ère fille : Mon parrain était d’origine italienne aussi. Il s’est installé en France, il a fait son commerce et il s’en est bien sorti. C’était pour aider mes parents.
Interviewer : C’est des gens d’origine italienne qui vous ont permis de mieux vous installer ici.
Mme : Quand mon mari ne travaillait pas encore dans la maçonnerie, avant qu’il entre aux chantiers, il travaillait chez monsieur L. C’était comme de la famille. Quand on avait besoin et qu’on n’y arrivait pas, à cette époque, il nous prêtait de l’argent, c’est vrai.
1ère fille : Il nous a bien aidés à nous installer, ainsi que dans la vie de tous les jours. [...]
Pour les chantiers, je me souviens toujours la fois où on est allés voir ce paquebot. Il y avait énormément de monde.
On passait par groupe de mettons vingt personnes. On avait attendu des heures pour pouvoir voir ce paquebot, c’était beau, c’était magnifique. Et après, on a vu le lancement du bateau. J’étais petite, c’était impressionnant, franchement.
C’était le maire et sa femme qui ont lancé la bouteille de champagne contre la coque.
Interviewer : Donc vous aviez à peu près 10 ans.
1ère fille : Ah je pense oui, c’était vers les années 70-73.
1ère fille : J’ai le souvenir après, quand il y avait les arbres de Noël. On était contents d’y aller. Il fallait attendre des heures pour avoir les cadeaux. Ça se passait près des chantiers. Il y avait un bâtiment en forme de rond, c’était la cantine et il y avait énormément d’enfants. J’ai un bon souvenir de ça.
Après on allait au cinéma et, là aussi, on nous donnait un petit paquet avec des chocolats et des friandises.
Interviewer : Le cinéma aussi dépendait des chantiers ?
1ère fille : C’était organisé avec les chantiers. On avait le cadeau de Noël, après on avait la séance avec le cinéma et le goûter, c’était par le comité d’entreprise. Je m’occupais de mes autres frères et sœurs parce que moi j’étais l’aînée.
Il fallait que j’amène tout le monde et on passait l’après midi là-bas. Le cinéma c’était à l’ABC et pour les cadeaux c’était à la cantine, ce bâtiment rond.
J’ai aussi des souvenirs sur la maternelle qu'il y avait sur le port et qui était très belle.
Je me rappelle toujours de cette fontaine en forme de dauphin qu’il y avait dans la cours de récréation et du petit pont où on s’amusait avec les copines.
Et il y avait aussi le petit train, quand ils faisaient baisser le pont en fer du chantier.
J’étais toujours intriguée par ce pont qui montait et qui descendait. J’avais toujours peur que le train tombe dans l’eau. J’étais petite, j’étais impressionnée à chaque fois. J’avais l’impression que le pont n’allait pas résister.
Interviewer : En plus il passait juste à côté de la fameuse école.
1ère fille : Oui il passait devant l’école. Et on l’entendait.
Interviewer : Et vous C..., est-ce qu’il y a quelque chose dans les chantiers qui vous a marquée ?
2ème fille : Oui, moi c’est la fameuse sirène qui sonnait à midi à la sortie des chantiers, on va dire onze heures et demie. Donc, il fallait vite rentrer à la maison, avant que papa arrive. C’était le signal pour nous.
Et pareil le soir, quand elle sonnait à quatre heures et demie, cinq heures, on était tous à la maison.
Interviewer : Dans ce cas-là c’était bien pratique.
2ème fille : Ah oui, là-dessus je m’en rappelle très bien, c’était le signe déclencheur de l’arrivée de papa. Sinon le fameux sapin de Noël, les lumières, la décoration, tous les enfants réunis. On s’amusait, on passait une après-midi splendide.
Le fameux magasin de linge, ça je m’en rappelle aussi.
Interviewer : Et madame, lorsque vos enfants étaient encore à l’école, désiriez-vous qu’ils entrent eux-mêmes aux chantiers ? Est-ce que ça vous est venu à l’esprit ?
Mme : Oui pourquoi pas. De toute façon comme on était français et qu’on voulait plus pour l’avenir des enfants...
Interviewer : Vous avez eu quatre filles et le petit dernier T... Est-ce que vous avez pensé la même chose pour l’ensemble des enfants, ou il y a eu un moment particulier pour le garçon ?
Mme : Bien sur c’est un garçon. Je me disais, bon, si son père travaille aux chantiers, je me disais pourquoi son fils y travaillerait pas.
Interviewer : Et finalement vos enfants ont suivi la voie de leur père ?
Mme : Non, ils ont fait des études et chacun a choisi son métier. Mon mari était maçon, mais à mon fils ça ne lui plaisait pas. Mais j’ai eu plutôt ma fille aînée qui aimait bien étudier. Elle avait plus le caractère de son père. La deuxième, l’école elle ne savait pas trop, c’était plutôt vendeuse. Les autres c’était plutôt dans le commerce ou faire de la coiffure, C... c’était plus les enfants, maîtresse de maternelle.
Interviewer : Chacun a choisi sa voie. Alors, pour conclure cette discussion, je voulais vous demander si votre mari a eu des soucis de santé à propos de l’amiante en particulier ?
Mme : Oui, il a commencé à faire des papiers. Il a commencé à faire des visites et il l’avait.
2ème fille : Il avait commencé à faire un dossier pour l’amiante, mais il ne l’a pas terminé.
Mme : Et malheureusement, il n’a pas pu continuer.
1ère fille : Le monsieur qui s’occupait du dossier avait dit que, par rapport au poste qu’occupait mon père, il se demandait comment il avait pu avoir de l’amiante. Mais nous, on lui a expliqué que comme mon père avait une famille nombreuse à nourrir, des fois quand on lui disait d’aller sur le bateau ou à un autre endroit, il y allait, même si ce n’était pas forcément son poste de travail.
C’était en heures supplémentaires et c’est peut-être à ce moment là qu’il a respiré des poussières d’amiante. Je ne sais pas. Mais c’est vrai qu’il avait le cœur fatigué. La nuit quand il dormait, il ronflait beaucoup. On voyait qu’il avait quelque chose quand même. Mais comme on n’a pas pu finir le montage du dossier, je ne peux pas en dire plus. Mais je pense qu’il devait l’avoir, par rapport à son travail supplémentaire. Parce que lui devait s’occuper de peinture et de maçonnerie.
Normalement, il n’allait pas sur le bateau. Mais je sais que des fois il y allait, quand ils manquaient de main d’œuvre, quand ils avaient besoin d’aide.
Mme : Il avait eu aussi de l'eczéma avec la peinture qu’il utilisait dans les chantiers.
1ère fille : Sa peau a eu une réaction.
Mme : Il fallait que je lave tous ses linges à part. Il avait eu un virus, ou je ne sais pas quoi.
Il avait aussi eu la gale du ciment.
1ère fille : Oui, mais là c’est quand il était dans le bâtiment. C’est pas dans les chantiers.
Interviewer : Il se rendait compte que ses problèmes de santé étaient certainement liés aux chantiers.
Est-ce qu’il a regretté d’avoir travaillé dans ces conditions ?
Mme : Un peu, parce qu’il était toujours fragile après, toujours malade. Il faisait beaucoup de bronchites et c’est le docteur Bonnaud qui le soignait. Il a commencé avec le cœur, les bronches.
1ère fille : Il fumait aussi, ça n’avait pas dû arranger les choses.
2ème fille : Je suis remontée au niveau de ses examens médicaux jusqu’à la médecine du travail.
Le médecin de la médecine du travail m’avait reçue pour le diagnostic et, à l’époque, il m’avait dit : "oui, il a un petit peu d’amiante". Mais justement pas assez pour monter le dossier. Il en avait certainement, comme tous les travailleurs. A l’époque il n’y avait pas ces systèmes de sécurité qu’on a maintenant.
1ère fille : Ils ne savaient pas que quand ils respiraient c’était dangereux.
Mme : Mais il l’a eue quand même, il était toujours fatigué. Il me disait : « Bon, il faut encore que j’aille à Toulon pour faire une autre visite plus approfondie, pour voir si j’ai l’amiante ».
Interviewer : Donc, finalement vous aviez bon espoir de pouvoir obtenir réparation par rapport à ça ?
Mme : Ah oui. Mais on n’a pas pu les finir parce qu’après il n’était plus là.
Mais il y a des copains à mon mari qui m’ont dit : « Et bien, il fallait pas vous arrêter là, il fallait poursuivre » parce qu’il y en avait dont leur mari était parti et qui n’ont pas laissé tomber.
Interviewer : Pour commencer, est-ce que vous pourriez nous décrire comment était La Seyne quand vous y êtes arrivée ?
Mme : La Seyne, par rapport à ce que j’avais en Italie, j’ai trouvé que c’était joli, oui mais pas pour moi, ça ne me plaisait pas.
Interviewer : Qu’est-ce qui vous plaisait pas ?
Mme : C’était loin de ma famille. C’était vieux. Je suis allée habiter chez ma belle-mère. Il n’y avait pas de toilette. Il n’y avait pas les choses que déjà on avait, nous, en Italie. Il n’y avait pas de choses modernes.
L’église était vieille. Il n’y avait pas les bâtiments comme maintenant.
Interviewer : C’est de quelle église que vous parlez ?
Mme : C’était l’église ... Il y avait le port. On se promenait juste entre le port et la maison. Après il y avait tous les jardins. Il y avait cette église juste sous l’autoroute.
Il y avait encore les animaux. C’était tout abandonné, quand même. C’était tout, des jardins, des maisons vieilles alors que maintenant ils ont construit d’autres choses. Il y avait encore la rivière où il y avait l’hôpital, à l’avenue Maréchal Juin à La Seyne. Il y avait cette église où l’intérieur était vieux et où a été baptisée ma fille C....
Interviewer : Autrement que pour le baptême de C...., vous y alliez souvent ?
Mme : Non, on n’a pas été beaucoup à cette église parce qu'après ils l’ont enlevée. Il y avait le champ. Il y avait des gens qui vendaient les animaux. C’était tout plein de fruits et légumes. Des fois mon mari allait chercher le lait dans les bouteilles en verre. Il allait le chercher pour les enfants, c’était frais.
L’église c’était sur la route, c’était pareil. C’était une petite église pas moderne, au milieu des champs.
Maintenant, ils ont tout cassé et ils ont fait l’autoroute.
L’hôpital, c’est pareil, ce n’était pas comme maintenant. Avant c’était vieux, tout sale. Ce n’était pas agréable, ce n’était pas joli.
Interviewer : Comment vous voyiez le port ?
Mme : Le port était petit, ce n’était pas comme maintenant qu’il a été agrandi. Il y avait les barques. Il y avait aussi sur le port une petite école maternelle juste sur la route. Mais quand même c’était agréable, c’était joli.
Il y avait beaucoup d’enfant. Mais cette école on faisait toujours... parce qu’ils voulaient la fermer. Parce que la cantine le midi, il n’y en avait pas. Toutes les mamans avaient leurs enfants à cette école. Mais ils voulaient la fermer parce qu’elle était au bord de la route. Ils voulaient faire d’autres choses, mais nous on faisait grève. On faisait des papiers de tout à la mairie pour ne pas faire fermer cette école.
C’était agréable, tous les enfants sur le port. Après on allait se promener au petit port derrière.
Interviewer : Tous vos enfants sont allés à cette école ?
Mme : Non, c’était ma fille M...., R.... et H... Un peu après, ils ont fermé cette école parce que, soit disant, ça ne servait à rien parce que vers Martini, derrière l’église de La Seyne, il y avait la grande école pour les enfants.
Il y avait la cantine. Ça fait qu’ils ont fermé l’autre.
C’est là qu’ils l’ont détruite après et tous les enfants ont été à une autre école, à Martini.
Interviewer : Ils sont allés à l’école où il y a maintenant le grand parking ?
Mme : Oui, il y avait la maternelle, en bas avant c’étaient les choses des sœurs où on allait faire aussi des vaccins pour les enfants et c’était là qu’on faisait les visites médicales pour les écoles.
Le primaire était juste en haut, où maintenant il y a le parking. Tous mes enfants sont allés là, à cette école, après tous les cinq à la maternelle en haut.
Interviewer : Il y avait un collège avant à Martini ? Ils sont allés ailleurs, quand ils sont passés en 6ème ?
Mme : Non, quand ils sont passés en 6ème, ils sont allés à Beaussier, à Paul Eluard.
Interviewer : Revenons à votre mari, qu’a-t-il fait après ?
Mme : Après il est allé chez L..., le marchant de vins. Il a travaillé plusieurs années dans le magasin, jusqu’à ce que naisse H...., la troisième fille.
Après plusieurs d’années, avec des amis où on parlait de tout, que le travail ce n’était pas assez, un copain très gentil, c’était un voisin, l’a fait entrer dans le chantier comme apprenti.
Après petit à petit il a fait... je ne me rappelle plus si c’était trois mois ou six mois qu’il est resté dans le chantier. C’était tout bien, il faisait de la maçonnerie, dans les bateaux il faisait l’isolation.
Petit à petit avec d’autres voisins dans le bâtiment où j’habitais à la rue Brassevin, il y avait une gentille mémé qui venait toujours chez nous.
Comme cette dame voyait que j’avais des enfants, j’en avais deux de plus, ça faisait cinq. Cette mémé très gentille qui s’appelait madame J.... avait son fils qui travaillait dans le chantier. C’était un homme qui commandait les autres, c’était un contremaître. Elle a parlé à son fils de nous, de mon mari qui était un travailleur et qu’il fallait qu’il travaille.
En plus, qu’il était déjà entré comme apprenti et que ça c’était très bien passé.
Ça fait que cette dame avec son fils, nous ont fait faire des papiers et tout.
Et comme ça, un an après, mon mari a eu le contrat pour entrer mieux dans le chantier.
Ça fait des années et des années, plus de dix ans qu’il a travaillé dans les chantiers, dix, quinze ans.
Il a fait un peu de tout. Il est même tombé malade quand il travaillait dans les chantiers.
Il faisait de la maçonnerie, de la peinture surtout.
Je me rappelle maintenant presque cinq, six ans après qu’il travaillait aux chantiers, il est tombé. Il s’est cassé la jambe, dans le bateau. Il est resté un bon mois avec la jambe cassée, à l’hôpital de La Seyne.
Après, ça c’est bien passé jusqu’au jour où le chantier a fermé.
Quand les premiers ont été appelés, mon mari avait toujours envie de rester dans le chantier parce que c’était un travailleur. Il travaillait de tout, c’était agréable, il faisait bien son travail.
Quand il y avait des bateaux sur le port qui étaient finis, quand ils étaient lancés, nous on avait même ... c’était le samedi ou le dimanche. On allait voir les bateaux qui étaient lancés avec les enfants et mon mari. Il y avait tout le monde. En plus, ce chantier c’était la ressource de La Seyne. Il y avait la coopérative. Il y avait des magasins. Il y avait le magasin qui vendait de l’électronique, frigo, télé. Et nous, comme on n’avait pas trop les moyens, on payait, on allait faire les courses. On achetait des choses, tout ce qu’on avait besoin par mois et on payait.
Mais le chantier c’était une chose essentielle pour La Seyne, pour les travailleurs qui étaient dans ce chantier.
Interviewer : Ce qu’il faisait aux chantiers, ça lui plaisait ?
Mme : Ah, oui quand il entrait dans le chantier, il faisait de la peinture et les autres choses, il le faisait quand même.
Il faisait même, des fois, de la soudure. Il n’en a pas fait beaucoup mais il en a fait aussi.
Interviewer : Il devait être apprécié alors ?
Mme : Ah oui, il était toujours au travail. Et la cantine, comme aux chantiers il y avait la cantine, lui il ne voulait pas. Il venait à la maison parce que j’habitais à la rue Brassevin. Après on a changé, on a habité quartier Montluçon, toujours à La Seyne et le midi, il venait manger à la maison. Il était malade quand les chantiers ont fermé. Il ne savait plus ce qu’il fallait faire comme travail, c’était dur.
Après quand le chantier a fermé ils lui ont dit : « Ou tu prends les sous, ou autrement tu es au chômage et tous les mois tu as comme la paye ». Mon mari, il a réfléchi et s’est dit bon j’ai travaillé et il a pris les sous, les vingt millions. Pendant deux, trois ans il n’a pas eu le chômage parce qu’on avait pris les sous.
Nous, avec cet argent on a acheté un appartement, comme j’avais cinq enfants, comme ça ces sous-là, ils n’ont pas été gaspillés.
C’est pour ça qu’après on s’est trouvé... on a acheté l’appartement avec l’argent qui n’était pas suffisant et lui après il est tombé malade. Il travaillait tout le temps, il faisait n’importe quoi comme maçon, ou n’importe quel travail parce que quand même on était sept.
Interviewer : Il a travaillé encore un peu après qu’il ait quitté le chantier ?
Mme : Pas tout à fait parce que le chantier a fermé, il ne pouvait pas travailler, il s’arrangeait. Il fallait nourrir la famille et c’était comme ça. Et après, petit à petit il s’est rendu malade de tout ça.
Interviewer : Est-ce que vous pourriez nous raconter quels sont vos liens, votre histoire avec l’Italie ? Avec votre pays d’origine vous avez toujours gardé des liens très forts, depuis que vous êtes arrivés ici.
Mme : Moi, depuis que je suis arrivée, ma patrie m’a toujours manqué. Mais là, toutes les années on allait plus souvent. Quand il était aux chantiers, on allait toutes les années à Naples voir ma famille avec mes enfants.
Quand lui il a travaillé aux chantiers, il a voulu se faire français parce que, soit disant, que ses enfants avaient plus la possibilité d’avoir un avenir en France. Moi, je ne voulais pas être française, mais pour l’avenir aussi je me suis fait française.
D’abord, ça a été ma fille. C’est son parrain qui l’a faite française et après c’est nous.
C’est pour ça l’histoire que je vous raconte, lui il travaillait aux chantiers et moi j’ai toujours... même que j’étais française, moi j’ai toujours eu l’Italie dans ma tête, mon pays.
Interviewer : Donc, vous vous dites française ou italienne ?
Mme : Moi en France, je ne dirais pas que c’est pas..., ça m’a apporté d’être ici avec mes enfants parce que j’ai mes cinq enfants et c’était pour leur avenir. Je ne peux pas dire ça, ou ça, mais ma patrie, c’est ma patrie. Ça fait que maintenant malheureusement, mon mari est parti et ben moi je me suis faite européenne de l’Italie, Castellamare di stabia, la double nationalité. Comme ça je suis française et j’ai l’Italie.
Interviewer : Quand vous partiez tous les ans à Castellamare di stabia ça devait être une sacrée expédition parce que les cinq enfants plus votre mari et vous ça fait sept personnes, vous y alliez comment ?
Mme : Mon mari avait acheté une voiture, la Renault 12. Quand mes enfants étaient en vacances, lui il nous amenait à Naples de Toulon jusque Castellamare di stabia, province de Naples.
On faisait une bonne route et c’était très long.
Moi je pleurais tout le temps parce que ça faisait loin.
On allait faire les vacances d’été chez ma mère, à Castellamare di stabia. Cinq enfants dans la Renault 12 et là je me rappelle pour que je rigole aussi.
Dans la Renault 12 on amenait tout, même le pot pour faire pipi parce que mon mari quand il se mettait en route, chut, il ne fallait pas parler, il ne fallait pas s’arrêter pour manger. C’était la route sans arrêt. Il s’arrêtait juste pour l’essence à Vintimille. De Vintimille jusqu’à Naples, c’était ça le voyage. Et encore je le dis, avant l’autoroute ce n’était pas comme maintenant, on partait la nuit et on arrivait le lendemain.
On passait des petits villages, La Spezia, Gênes et il n’y avait pas l’autoroute qu’il y a maintenant. C’était dangereux quand on passait sous les montagnes. Moi j’avais peur quand je le voyais au volant. C’était la nuit.
On a eu plusieurs fois des accidents sur l’autoroute. C’était en montant ou en descendant mais le plus c’était quand on montait ou c’était le moteur ou c’était les pneus, là c’était noir avec tout ce qu’on ramenait de Naples, c’était horrible. Alors toutes les années, lui, pour me faire plaisir ... parce que voilà moi ici, je n’aimais pas. J’étais loin de la famille. J’avais dix-sept, dix-huit ans quand je suis venue en France. Je ne faisais que pleurer. Et encore maintenant j’ai ma grande famille, mes enfants et mes petits-enfants, mais moi là je ne sais plus où je suis, où est-ce que je dois aller là, là, je ne sais plus.
Interviewer : Et aujourd’hui, vous y retournez souvent chez vos parents en Italie ?
Mme : Oui, bien sûr j’y vais souvent. La preuve, c’est que j’ai dit que j’ai fait la carte d’identité européenne pour que je puisse plus descendre, parce qu’avant j’étais française, je n’étais plus dans mon pays. J’étais comme une étrangère dans mon pays et ça, ça me manquait.
Interviewer : On a parlé des liens que vous aviez avec l’Italie, que vous y alliez souvent, que ça vous manquait quand vous étiez à La Seyne. Est-ce que, quand même, vous y trouviez des choses qui vous rappelaient l’Italie quand vous étiez ici ?
Mme : Oui, moi j’ai beaucoup d’amis italiens, le plus c’était quand on allait au marché. Il y avait Madame C... qui vendait les produits italiens sur le marché. Elle vendait le fromage, le saucisson, les pâtes au kilo ou au détail, les haricots, etc.
Il y avait aussi des gens de chez nous de Castellamare qui vendaient des produits italiens, les brocolis, la salade quand c’était la période, les haricots verts qui étaient de leur jardin.
Avant, après-guerre, il y avait des italiens qui sont venus en France et qui se sont acheté un petit terrain.
Après, ces gens venaient sur le marché pour vendre leurs petits légumes. Il y en avait pas mal.
Moi, tous les jours, après avoir emmené les enfants à l’école, même en été, on allait sur le marché. On discutait toujours en italien. Des fois on se voyait même aux Sablettes, à la petite mer. On était ensemble entre copines à la plage.
On se faisait même la marche de La Seyne jusqu’à la petite mer aux Sablettes, à pied.
Le plus ça a été, toujours avec les amis italiens, le dimanche où on allait à Pin Rolland.
Avant il y avait la plage et le bois. On prenait même le fenouil sauvage, les asperges, la salade, le muguet sauvage, toujours avec des amis italiens.
Même quand on faisait une fête, comme les fêtes de Pâques, avec ces amis, on allait manger à Pin Rolland. On passait la journée ensemble avec ces gens.
Mes enfants étaient un peu plus grands, j’en avais cinq et on sortait ensemble le mercredi avec les copines. On faisait la marche à pied avec leurs enfants et mes enfants. On se régalait. Je ne pensais plus à dire je suis en France, mais je suis chez moi. J’étais contente petit à petit le moral était mieux.
Autrement il y a du monde de chez moi, il y en a beaucoup. Maintenant à cette époque 2006, ici, tous ces gens qu’il y avait sur le marché, malheureusement ils n’y sont plus. Il y a d’autres commerçants. Il y avait même les magasins, les habits, de la marchandise, c’était aussi des italiens.
J’avais une cousine qui s’appelle C..., elle avait un petit magasin sur le marché où elle vendait, c’était le petit Bollé. C’était agréable parce que, quand je sortais, qu’on allait faire les courses, on discutait, j’achetais un peu des produits italiens.
Il y avait aussi le marchand de vin L..., qui est devenu le parrain de ma fille. Lui et sa femme étaient italiens. C’était comme si j’étais chez moi.
Maintenant des italiens, il n’y en a plus qu’un ou deux.
Interviewer : Dans votre famille, avec vos enfants, vous parliez de préférence français ou italien ?
Mme : Quand il y avait mes enfants qui arrivaient de l’école, avec mon mari ils parlaient français. Quand les devoirs étaient finis, moi avec mon mari, je parlais italien. Je parlais tout le temps italien. Mais lui, des fois, il me parlait français.
Moi je ne voulais pas, je voulais plutôt qu’il me parle italien parce que lui, il est comme moi, c’est un italien qui est venu en France.
Interviewer : Avec vos enfants ça vous arrivait souvent de parler italien ?
Mme : Oui, mais malheureusement il fallait qu’on parle français parce qu’à cette époque là, ils allaient à l’école et quand il y avait les devoirs... Les maîtresses m’appelaient pour me dire vous m’avez trompée, vous ne faites pas trop ce qu’il faut pour les petits, pour qu’ils parlent français. A l’école, ils parlaient italien, ça fait que la maîtresse me disait : « Ah madame A..., il faut parler un peu plus français ».
Moi malheureusement, pour les études j’ai juste eu le petit certificat d’étude en Italie, pas en France. Mon mari est allé à l’école en France, c’est pour ça que lui il parlait bien le français et oui il a fait des études, le soir. Il y avait une école avant à La Seyne où il allait le soir, après le travail, quand il avait fini de manger.
Autrement il venait ici où il y a les petits qui jouaient, à Langevin, de Montluçon il venait là, à l’école pour apprendre bien le français.
Interviewer : Et comme études essentiellement, qu’est-ce qu’il avait appris à faire votre mari ?
Mme : Il a bien appris le français et comme lui il aimait l’école, il a fait des stages.
Il a eu le diplôme dans la maçonnerie, dans la pierre.
Il a eu le diplôme pour dire qu’il aimait ce travail, il aimait la pierre.
Interviewer : Par rapport à ce qu’il avait appris à faire concernant le travail de la pierre, on a ici une photo que vous avez bien voulu nous transmettre, est-ce que vous pourriez nous dire ce qu’il y a sur cette photo ?
Mme : Sur cette photo, il y a le travail qu’a fait mon mari. C’était toujours le travail qui lui plaisait, c’était la pierre. C’était aux Sablettes, l’hôtel que vous voyez sur cette photo. Le portail, c’est lui qui l’a fait et, comme vous voyez, il n’a pas terminé parce qu’il n’a pas été payé. Alors mon mari a laissé comme ça.
Interviewer : Il y a également cette autre photo.
Mme : Cette photo aussi c’est mon mari qui a travaillé le mur. Là c’est un escalier je crois, le travail…. Oui ça c’est le travail qu’il a fait dans une villa où il faisait l’entrée.
Interviewer : Il y a d’autres photos que vous nous avez transmises, entre autre celle-ci, est-ce que vous pourriez nous dire ce qu’est cette photo ?
Mme : Ça c’est une photo que j’avais envoyée en France. C’est en Italie, sur le port où on se promène. Je l’ai envoyée en France, à ma belle-sœur et c’est là que nous avons fait connaissance avec mon mari.
Interviewer : On vous voit devant ces palmiers.
Mme : C’était en ville, on se promenait et on a fait la photo.
Interviewer : Alors lui, il a vu cette photo et vous la première fois que vous l’avez vu, vous l’avez vu ainsi, sur cette photo là.
Mme : Et là c’est en France que mon mari a fait cette photo. La preuve c’est qu’elle a été prise chez le photographe Mejean. Après, il me l’a envoyée à Naples pour se faire voir parce que je ne le connaissais pas.
Mejean c’est sur le port, juste en face du Chantier.
Interviewer : Quelle impression vous avez eue quand vous avez vu cette photo ?
Mme : Quand j’ai vu cette photo, je me suis dis : pourquoi pas, mais là c’était mes parents plutôt.
Mon père ne m’avait rien dit mais il [mon mari] avait demandé à mon père et il m’a envoyé la photo. Moi j’ai dit que je ne voulais pas. Je veux le voir d’abord après on verra.
Interviewer : À ce moment là, après vous vous êtes rencontrés ?
Mme : D’abord c’est lui qui est venu à Castellamare, je ne voulais pas aller à La Seyne. Je suis venue après quand on s’est mariés. Après sur cette photo, un an après, on s’écrivait avec mon père parce que lui il avait envoyé la déclaration.
Moi j’ai dit non, je veux le voir d’abord. Comme vous voyez ici avant de me marier, de venir en France, il est venu à Naples parce que lui il habitait en France. Là, c’est sur le port de Castellamare.
Interviewer : Vous vouliez nous montrer aussi cette photo.
Mme : Ah, cette photo. C’est mes enfants là, c’est sur le port. C’est l’école, la petite maternelle qu’il y avait sur la route où ma fille M.... la première à gauche et la deuxième c’est R.... C’est dans l’école maternelle.
Interviewer : Ce que l’on voit derrière les fenêtres c’est la cours de récréation.
Mme : Voilà, derrière c’est l’endroit où ils jouent aux boules, c’est le jardin.
Interviewer : Vous vous êtes rencontrés en Italie, vous vous êtes mariés là-bas et immédiatement après, vous êtes venus à La Seyne.
Mme : Oui, à La Seyne. Sur cette photo vous voyez bien qu’après qu’on se soit mariés, je suis venue en France et là c’est aux Sablettes, à la petite mer. Là c’est à Fabregas et j’ai ma première fille aux bras. Je suis avec mon mari et M.....
Interviewer : Enfin ces deux photos là, l’une à côté de l’autre.
Mme : Celle là, comme je vous l’ai dit, c’est l’église où je suis en train de faire le baptême de ma fille.
C’est l’église en bas, où il y a maintenant le poste d’essence, c’est juste où il y a l’hôpital.
Interviewer : Donc l’église était juste en face de l’hôpital, de l’autre côté de la route.
Mme : Non ça c’était l’hôpital et il y avait la route où il y avait les fermiers et au milieu il y avait cette petite église. Elle était vieille avec la campagne qu’il y avait autour, parce qu’il n’y avait pas de route avant.
Et là c’est le parrain et la marraine, avec la veste rouge, ils sont frère et sœur. Ce sont des italiens qui sont venus au baptême de ma fille. Il a la petite aux bras. Il a travaillé aussi avec mon mari.
Et là c’est P.... que j’avais dit on allait souvent avec les petits, à Mar Vivo, aux Sablettes prendre le muguet sauvage.
Interviewer : Sur cette photo, où on voit le jour du baptême, c’était à quelle maison, c’était chez vous ?
Mme : Non, ça c’était à Brassevin où j’ai accouché dans la cuisine, c’est dans la salle à manger.
Et la dame à droite, elle n’habitait pas loin. Elle est propriétaire.
Et ça ce sont ses enfants qui sont devenus le parrain et la marraine parce qu’on était bien amis.
Elle était là déjà avant moi parce qu’elle a acheté à Brassevin. Et c’est elle après, comme les enfants allaient à l’école avec ses enfants, les autres aussi je me suis bien fait copine avec et on parlait italien. On se faisait le goûter le soir chez elle ou chez moi mais après, à cinq heures, quand les maris arrivaient c’était chacun chez soi. C’est pour ça qu’on s’aimait bien, chacun chez soi. On se voyait juste pour sortir.
Ils sont partis, son mari a beaucoup travaillé en maçonnerie. Et là en ce moment, comme elle est fatiguée, elle veut rester tranquille. Autrement on a toujours été bien amies. Nous, quand on dit qu’on fait le parrain et la marraine, on est plus dans la famille. C’est pour ça que son mari avait fait entrer le mien parce qu’il travaillait déjà aux chantiers, pas comme un supérieur mais il travaillait.
Interviewer : Il avait des relations dans le chantier.
Mme : Il connaissait des gens, alors il a fait entrer mon mari comme apprenti. Elle était seule. Ses enfants étaient mariés. Elle venait souvent chez moi avec son fils, C’était Madame J.... C’est la principale, c’est son fils qui l’a fait entrer.
Là c’est à Brassevin où est née C.....
Là l’enfant qu’on voit c’est T... quand on a fait le baptême et c’est après que mon mari est entré dans le chantier parce qu’il était encore apprenti.
Et là cette maison, c’est sa femme qui m’a trouvé cet appartement. Après elle m’a donné un matelas et on couchait par terre. On n’avait rien.
Interviewer : Et ce monsieur qui était à gauche?
Mme : C’est L..., le parrain de ma fille, le marchand de vin. Maintenant il y a son fils sur le marché.
Interviewer : Et là, c’est à quelle occasion qu’a été prise la photo ?
Mme : Là c’est le parrain de ma fille, quand on a fait le baptême à l’église de La Seyne.
Interviewer : Ça se passe où cette photo ?
Mme : Sur le marché juste là où il y a le collège, en face des Maristes. C’est chez Monsieur L....
Là il y a moi, il y a mon frère Salvatore, il y a ma mère. Elle c’est sa femme qu’on voit pas beaucoup et ça c’est mon père. Là c’est Denise, une de la famille de mon mari et c’est mon mari qui fait la photo parce qu’il n’y est pas.
Lui et sa femme nous ont rendu bien des services. C’était au début quand je suis venue en France. Heureusement que ces gens là, ils parlaient italien. Le dimanche j’étais toujours chez eux, avec ma fille, au magasin. C’était une famille bien.
Interviewer : Pour terminer cet entretien, est-ce que vous pourriez nous donner vos impressions maintenant, avec le recul sur les conséquences de la fin des Chantiers ?
Mme : Moi, je peux vous dire que depuis que le chantier a fermé, La Seyne n’a plus eu cette communication entre tous les gens de La Seyne.
Il y avait toujours du monde sur le port. On discutait. Il y avait les gens qui pêchaient tard.
Maintenant, sur le port depuis que les chantiers sont fermés, il n’y a plus personne.
Maintenant, ils ont fait tous ces travaux où il y avait les chantiers, mais il n’y a personne.
Tous ces gens qui venaient de n’importe où et le plus c’était à La Seyne qu’ils travaillaient.
Il venait des gens qui faisaient des stages depuis Marseille, l’Italie et d’autres pays.
La Seyne, elle était pleine. On pouvait marcher dans la rue à une certaine heure que là maintenant à cette époque. Sur le port, il n’y a pas l’activité qu’il y avait avant.