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Etre femme et immigrée à l'époque de la construction navale à la Seyne-sur-Mer

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Transcription : Secrétaire de direction aux chantiers dès 1953

Collecteur : Prestataire exterieur
Langue : Français

Qualité du son : bonne


Le protocole de la direction Écouter cette séquence

Madame : L’école d’apprentissage était là et les apprentis des moniteurs leurs faisaient faire des petites … Par exemple, il y avait des motifs, je m’en rappelle, moi j’en ai eu deux … ça a été cassé depuis, les petits se sont amusés avec, mais on n’avait droit à rien nous, même si j’étais dans la direction ceci et cela. On ne nous donnait rien. Il y avait une espèce de sélection vraiment arbitraire vous savez, entre la secrétaire personnelle du directeur et les couillons, comme on dit dans le midi, qui travaillaient jusqu’à minuit, deux heures du matin pour préparer le plan de table. Alors des fois il y avait …

Interviewer : Ah, c’est vous qui prépariez le plan de table !
Madame : Non, le plan de table a été dessiné par un dessinateur et ça faisait des … On avait, par exemple, le plan de table était comme ça. Il y avait plusieurs tables vous voyez et il y avait des petits ronds, des petits ronds comme ça, où il fallait mettre le nom de celui qui allait occuper la place. Alors, il y avait tout un protocole … vous aviez…

Interviewer : Quel était ce protocole ?
Madame : Ah bien, le protocole, il y avait d’abord là les représentants de l’armateur, pour autant que je me rappelle, ça je l’avais gardé, mais on me l’a fauché. Ah oui non, mais ça c’était quand j’étais malade, ah oui, oui je gardais tout. Je gardais tout parce que je trouvais que c’était intéressant de … Je faisais mes propres archives, mais pas mes archives… pas pour moi, pour le chantier. On m’a tout volé. Alors vous aviez…

Interviewer : Quand est ce qu’on vous a tout volé ?
Madame : Ben, quand j’étais malade. Quand j’étais malade ben, on a cru que j’allais mourir pardi… Je suis restée quatre mois malade. C’était la première fois que j’étais malade. Je m’étais absentée en 63 quand mon beau-père est mort. On m’a fait une greffe à St Anne. Je n’ai manqué que quinze jours mais après alors, le stress, une chose et l’autre, d’autres événements de famille aussi et puis le changement de statut avec Mr Berre, tout ça.
Quand on nous a déménagés au deuxième étage de la rotonde, moi je l’ai mal pris, je l’ai vraiment mal pris.
Déjà, la faillite des FCM ça a été un choc pour moi parce que ceux qu'il y avait dans la direction, là autant aux services administratifs ne faisaient pas partie des FCM, les anciens étaient… Il y en a qui étaient décédés.

Interviewer : Ils faisaient partie de quoi alors ?
Madame : Ben, ils arrivaient … Mr Brisset par exemple, je vous ferai voir la photo, là-bas. Il arrivait de Reims.
Il était dans une société de cartonnage pour le champagne de Reims. Vous voyez …

Interviewer : Ah d’accord.
Madame : Ah oui, alors, ça n’avait rien à voir avec la navale, c’était un administrateur. Et, on a vu arriver des gens qui n’étaient pas de la navale mais... D’accord, la navale, mais il n'y a pas que la navale, il fallait des financiers.

Interviewer : Bien sûr.
Madame : Mais, on n'a pas toujours eu des financiers qui se sont associés à l’esprit de la population seynoise qui … surtout les anciens ouvriers d’origine … je note bien de le dire, d’origine italienne qui étaient travailleurs. Qui y mettaient les tripes à bien travailler, honnêtement, à travailler honnêtement. On avait une maîtrise formidable, formidable. Et, il n'y avait pas que les travailleurs italiens aussi, il y en avait d’autres.


Les personnalités lors des lancements de bateaux Écouter cette séquence

Interviewer : On va revenir sur la cantine. Quels sont vos souvenirs autour de la cantine ? Alors vous parlez des repas ?
Madame : Des repas fabuleux de lancement qui accueillaient des grandes personnalités. On a eu de tout, on a eu de tout.

Interviewer : Alors, de tout.
Madame : Comme armateur, je vais vous faire voir des photos témoins… Vous allez voir les personnalités qu’on a eu.
Vous allez voir, ce que vous allez voir.

Interviewer : Vous avez de belles photos.
Madame : C’est pas pour me flatter, attention, ça n’a rien a voir. Regardez, mon secrétariat.

Interviewer : On en reparlera du secrétariat.
Madame : Mais, non mais moi, je veux vous faire voir. Regardez, regardez la livraison de l’Oriental Exécutive. Mais le repas de lancement a été fait au restaurant du libre service chantier et regardez ça, c’est Mr Chung, ça c’est Mr Perrin, Mr Chung c’était un Ciatoungue, ils sont toujours… c’était la Chine de Formose. Ils ont commandé quatre bateaux.
Il y avait l’Exécutive, j’ai le cahier où il y avait toutes les …. Là, c’est Mme Cœur d'acier qui, à l’époque, était au service relations extérieures, là c’était plus la même chose qu’avant. Là, c’est Mme Mikaéli Kambefon, dont le papa était ingénieur à l’arsenal de Toulon, c’est Léda, c’est moi.

Interviewer : On vous reconnaît.
Madame : Oui, et puis ça, c’est Mme Esler de la banque française du commerce extérieur qui se chargeait d’encaisser les traites signées par les armateurs et cosignées par nous, pour les payer au fur et à mesure. Elle est venue coucher ici.

Interviewer : Ah chez vous, ici ?
Madame : Oui, chez moi. En toute simplicité. Pourquoi, parce que c’était confidentiel.

Interviewer : Ah d’accord.
Madame : Et ça, je ne l’ai jamais dit à personne, je ne l’ai jamais dit à personne.

Interviewer : Et cette dame, c’était un personnage très important ?
Madame : Ah ben, le commerce extérieur de Paris, mais Suisse, international.
Et là c’était un du groupe Chian aussi. Vous voyez Mr Mat et si vous saviez comme … pas celui-là, mais pour un autre bateau, j’ai eu des … quand j’y suis allée, pour mes 25 ans de mariage, j’ai dû rejoindre Bruno à Londres et lui il est descendu d’Aberdeen et il ne pouvait pas … il fallait qu’il reparte en mer.
A l’aéroport, bien l’avion, incident technique et il a fallu attendre un avion d’AlItalia et, à coté de moi, j’avais Mr Chian, Mr Mat et il m’a dit : « Mais Mme ... qu’est ce que vous faites là ? » Il parlait bien le français, mais il parlait aussi l’italien. Alors, je lui ai dit : « Vous savez, je suis aussi embêtée parce que je devais rejoindre mon mari pour les 25 ans de mariage, à Londres. Alors, en principe je devais arriver vers les 19h à Londres, alors que là, je ne sais pas à quelle heure on va arriver ». Il se lève et m’a dit : « Attendez, je vais faire quelque chose ». Il a lancé un message à l’aéroport de Londres pour faire avertir mon mari que j’arriverai avec un avion. Vous savez qu’on attendait un avion de AlItalia à minuit et à minuit Bruno a attendu là-bas et, lui, nous a accueillis et Bruno lui a dit : « La COMEX a retenu un petit hôtel là. On va prendre un taxi ». Il a dit : « Non, je vous accompagne ». Il nous a accompagnés au petit hôtel et il a annulé la location et on est allés dans … en plein Londres, près de Trafalgar Square. On a eu droit à un repas chinois mémorable, mémorable avec le saké et tout.


Secrétaire de direction Écouter cette séquence

Interviewer : Mais quelle était votre fonction, à ce moment là ?
Madame : Ben, j’étais secrétaire particulière du directeur du département construction navale.

Interviewer : Et comment vous en êtes arrivée là, puisque vous m’avez dit vous êtes rentrée ?
Madame : Et bien, je suis rentrée au secrétariat de la direction après avoir eu le brevet bien sûr et puis deux années de Pigier. Mais, entre temps, j’avais fait la monitrice bénévole pour les colonies de vacances du chantier.
C’était l’assistante sociale du chantier qui nous avait embauchées ma sœur et moi, parce qu’on était dans une cité ouvrière, à la rue Messine, moitié chantier, moitié municipalité.
Alors, on n'a pas refusé. Vous savez, j’avais une maman qui était quand même … qui avait perdu sa maman à l’age de 17 ans et qui s’était assumée. C’est elle qui l’avait soignée. Elle était pour ainsi dire pas la plus jeune, mais l’avant dernière fille de la famille. Ils étaient 6 et elle a été élevée. Elle était couturière de métier. Elle avait appris la couture et elle menait... Le papa lui avait confié la gouverne de la famille, du reste de la famille, parce que dans le temps la tuberculose sévissait beaucoup. Alors elle était assez, non seulement volontaire, mais assez intelligente, même si elle n’était pas instruite. Elle n’a pas pu aller à l’école pour mener à bien toutes ses actions et elle nous a transmis cette volonté à ma sœur et moi.
Cette volonté m’a servi pour travailler, pour rester travailleuse, comme elle, au chantier de La Seyne.
Et, comme papa travaillait aux turbines et qu’il avait travaillé aussi surtout avec l’ingénieur qui était responsable du service du personnel, à l’époque quand on embauchait les ingénieurs qui venaient… Même s’ils venaient des Arts et Métiers ou d’ailleurs, ils fallait qu’ils fassent un stage ou à bord ou d’un bord de l’autre et le chef du personnel avait fait un stage avec papa à bord des bateaux et papa était ajusteur, perceur tout ça. Et comme il était très sérieux, très travailleur et très discipliné, Mr Scaron, il était responsable de l’école d’apprentissage.

Interviewer : Mr Scaron ?
Madame : Oui, Mr Scaron. Il est décédé assez jeune, d’ailleurs. Il a apprécié à la fois la conduite de papa et la mienne en cours de monitariat, si vous préférez dans les colonies de vacances, qui se déroulaient à Gréoux-les-Bains.
Alors, vous aviez un pavillon occupé par les garçons et l’autre qui était occupé par les filles. C’était génial parce qu’on se retrouvait, nous étions tous de La Seyne, ou presque. C’était des vacances familiales et moi comme j’aimais bien les enfants, j’étais disons près des enfants. La nuit il fallait se lever, vous voyez pour aller faire faire pipi à l’un et à l’autre. Il y en a un qui est mort, peuchère, à Algan, d’un accident d’avion.
Moi, j’avais envie vraiment de vivre comme ça et j’ai passé… en plus, c’était en vacances dans le haut-Var, à Gréoux-les-Bains. C’était magnifique et on se baignait dans le Verdon. J’étais assez intrépide. J’étais un peu garçon manqué, avec mon frère et puis dans la cité il y avait des garçons, des copains, même pas des copains, on a tous été élevés ensemble.

Interviewer : A la rue Messine ?
Madame : A la rue Messine, à l’école de la rue Messine.


En 1943 Écouter cette séquence

Madame : Après l’école a été …. Après, on a laissé tomber l’école. C’était pendant la guerre, parce que après Mr Merle avait été fait prisonnier. Mr Ranji aussi avait été fait prisonnier. Il restait Mme Merle et la mairie a récupéré certains locaux pour mettre les masques à gaz, voyez.
Et nous, nous avons été réfugiés dans l’Isère, les jeunes. Si bien qu’on était attachés et on a continué dans l’esprit de… comment on appelle ça,… de co-fraternité. Avant l’école il y avait toutes sortes de familles de toutes origines. Mr Quirian, qui était photographe. C’était le père Quiguerian qui a fait l’auto-école, travailleur et de bons copains.
On était tous ensemble, il y a avait trois beaux platanes, c’était magnifique.
Vous aviez des corses, une famille corse, vous aviez une famille bretonne, vous aviez une famille italienne, ça, ça ne manquait pas et puis il y avait encore …. Papa avait caché un juif, Mr Levi, ah oui, oui, oui il avait caché un juif adorable.

Interviewer : D’où il venait ce Mr Levi ?
Madame : Je n’ai jamais su d’où il venait. Mais nous, enfants, avant d’être réfugiés dans l’Isère du côté de Moiran, Voiron et nous, on était à La Buisse … dans la tangente de Moiran, comme ça et La Buisse c’était là au milieu en plus, il y avait Voiron et à Voiron alors moi, j’ai même vu des maquisards pendus, ben les allemands.
Le maquis était formidable et a été… ce n’était pas comme Oradour-sur-Glane, mais il y en a eu partout des Oradour, pas comme …, les Oradour.
Là j’extrapole un peu, mais pour vous dire dans quel état d’esprit on était et on était plusieurs seynois et quand on pouvait d’une ferme à l’autre, même à pieds, on se voyait et puis à l’école du village aussi.
Moi, j’avais mon frère aîné qui a un an de plus que moi, à quatre heures du matin, il se levait pour aller traire les vaches et compagnie, avant d’aller à l’école du village. Il était tombé sur des paysans.

Interviewer : Et là vous étiez réfugiés là-bas ?
Madame : On a été réfugiés par la municipalité.

Interviewer : Vous habitiez où alors ?
Madame : On nous avait loué des appartements et nous, nous étions avec maman. Elle nous avait rapatriés et le dernier enfant, il n’avait que quelques mois, il avait huit mois. Il n’avait même pas un an encore. Et on avait la chance que maman était couturière et que mon frère travaillait dans une ferme où il pouvait avoir du lait, c’était du troc, vous voyez, mais auprès de grandes épiceries.
Là-bas, j’avais eu le diplôme moi, le DEPP et après j’ai passé le certificat d’étude.
Moi, j’étais réfugiée chez un patron d’une petite menuiserie, Mr Gilibert, qui était adorable avec moi et il recevait l’institutrice. Si bien que quand même, j’ai été protégée, je ne sais pas pourquoi, peut être j’ai toujours eu la faconde.
Je ne sais pas, c’est pas pour parler c’était pour extérioriser. Je m’adaptais, disons que je m’adaptais.
Et puis, j’aidais beaucoup aussi maman, parce que papa était resté à la rue Messine pour garder là-bas. Et bien, on a passé …

Interviewer : Combien de temps vous êtes restés là-bas ?
Madame : Oh, on est restés pas loin d’une année.

Interviewer : De quand à quand exactement ?
Madame : Pour autant que je m’en rappelle, c’était 43, avant la fin 43. C’était l’hiver parce qu’en plus du juif qu’il avait hébergé, papa avait hébergé aussi les marins, quand il y a eu le sabordage de la flotte.
Il y a des marins qui sont venus. Ils nous on laissé les vêtements de marins et maman et d’autres dans la cité leur ont donné des vêtements civils pour qu’ils s’en aillent. Et, avec les vêtements de marins, maman quand on est partis réfugiés, à ma sœur et à moi, elle nous avait fait des pantalons longs, chauds et on avait les galoches.
C’était le temps de la guerre et on a gardé quand même de bons souvenirs.

Interviewer : Bien sûr, quand on est enfant…
Madame : Oui et puis, en plus, j’étais tombée sous de bons hospices et ma sœur, n’en parlons pas. Elle était chez les Primar. Elle était dans un petit village de La Buisse et ils étaient très riches, c’était terrien. Les gens qui se faisaient eux-mêmes le pain, voyez, les vaches ceci, cela. Si bien qu’on a été bien nourris et appréciés parce que maman cousait et moi je l’aidais à coudre en dehors de l’école, je l’aidais à coudre.

Interviewer : Et là, vous aviez 13 ans ?
Madame : Et j’avais 13 ans.

Interviewer : Vous étiez adolescente.
Madame : Voilà et ça m’a mûrie. Ça m’a responsabilisée parce que j’étais l’aînée.
Si bien que, dans la maison où nous étions, il y avait un grand médecin qui s’appelait Mr Avar qui faisait la résistance à Lyon avec Jean Moulin, ah c’est pas rien.


Des maquisards pendus Écouter cette séquence

Interviewer : Vous avez connu des choses …
Madame : Et oui. En fait, moi, j’ai vu les bandits sur la route de Vaurepe quand j’allais chercher le lait. Je n’avais pas peur, j’étais peut-être inconsciente mais non, je n’ai jamais eu peur.
Et puis, ils avaient un gros chien et peut-être que le chien qui avait senti la mort m’avait attrapé la main dans la gueule et le fils m’a retirée vite, vite là, parce qu’on savait pas ce que je portais dans le bidon ou autre, s’il était à vide ou à plein et quand je sors il m’a dit : « Ne regarde pas » et moi quand on me dit : « Ne fais pas ça », je le fais et puis « Oh mon Dieu qu’est ce que c’est, qu’est ce que c’est », puis « Regarde pas ». Je les avais vu les pendus. Ah, l’effet que ça m’a fait. Il y a des clichés, j’oublie des noms et tout et tout, mais il y a des clichés qui ne partent pas de votre têt. Ils ne partent pas, ils ne partent pas, ils ne partent pas.
Il y avait deux grands marronniers et puis il y avait un autre grand, je ne sais pas si c’était un châtaignier, non là-bas, il n'y en avait pas, c’était autre chose. Oh mon Dieu, 11 ils étaient.

Interviewer : Pendus ?
Madame : Oui pendus, les maquisards. Après, comme les allemands occupaient l’école de Voiron, l’école nationale des ingénieurs de Voiron, qu’est-ce qu’ils ont fait, ils ont tué la grand-mère, le grand-père, la mère, le père, les 4 enfants. Ils les ont fusillés, un massacre par vengeance.
Alors, ce sont des souvenirs qui vous marquent et puis, en plus, qui vous installent encore plus dans l’esprit d‘apporter quelque chose, de la gentillesse, la tendresse, pas de violence et tout. J’en avais marre moi de cette violence déjà et quand je suis rentrée aux chantiers…

Interviewer : Et vous êtes revenue en quelle année, à quel moment à La Seyne ?
Madame : A la fin, à la libération, à la libération et après je suis allée à Pigier, l’année d’après.


Un père résistant Écouter cette séquence

Madame : D’ailleurs, à la libération on a eu le monôme du brevet, j’ai la photo, mon Dieu.
Et, sur le bateau quand on est revenus, il y avait encore les troupes d’occupation et il y avait les américains et on a chanté l’hymne américain. Il y avait les russes, c’était tout convivial, ce tout petit bateau, vous savez, les petits bateaux à vapeur.

Interviewer : Qui traversaient… ?
Madame : Oui, qui traversaient et il y avait des italiens qui avaient déserté l’armée italienne et qui s’étaient joints et qui avaient fait de la résistance ici, même avec papa, il y avait un réseau d’italien, là.

Interviewer : Et votre père était résistant ?
Madame : Il a fait de la résistance ici. Il a protégé le pont, par exemple. Et puis, il a abrité je vous dis et il y a des choses qu’il ne nous a pas dit. Mais moi, moi, je savais parce que je n’étais pas peureuse et puis il savait que je ne parlais pas, il savait que je ne parlais pas et il me prenait des fois à témoin de certains événements et c’est resté en moi, voyez.

Interviewer : Et quand vous dites qu’il a protégé le pont… ?
Madame : Il l'a protégé. Vous savez l’allée Marie, il y a une route Léon Marie et ben, avec Mr Marie, il lui a fait un papier comme résistant.

Interviewer : Et il a eu une rue, ou quelque chose votre père ?
Madame : Ah non, non, non il n'était pas comme ça, ah non il n'était pas comme ça, non, non, non et moi non plus.
Moi, on m’avait pressentie pour les palmes, le mérite social, et tout. Ah non, jamais de la vie, le bien on le fait, on n'en parle pas, ça c’est ma devise.


Monsieur Berre, directeur des chantiers, de 1966 à 1980 Écouter cette séquence

Interviewer : Et je voudrais que vous me parliez de Mr Berre.
Madame : Bon, moi j’ai eu des rapports un peu spéciaux avec Mr Berre, parce que quand il est arrivé, sa secrétaire n’avait aucune formation de quoi que ce soit au point de vue secrétariat de la navale, alors que moi j’étais passionnée et j’avais enfin l’honneur même je dirais et l’estime du directeur du département construction navale qui me confiait l’échange de message radio pendant les essais en mer. Mon Dieu, j’ai oublié de vous sortir le cahier.

Interviewer : Non, mais ça fait rien, tout à l’heure.
Madame : Oui, alors, j’ai continué puisqu'il a embarqué. Mr Pero a embarqué. Et puis il me disait, pour ne pas faire revenir le bateau, surtout quand nous avions les russes, les constructions pour les russes, il ne fallait surtout pas les faire revenir à quai, sinon on ne s’en sortait plus.
Il y avait le remorqueur Laborieux qui exerçait la navette, même en pleine nuit.
Alors, Bruno en mer, Christiane à Aix, j’étais ce qu’on appelle corvéable à merci. Mais moi c’était ma passion et puis comme j’avais cette estime, je trouvais ça formidable qu’on me fasse confiance.

Interviewer : Bien-sûr.
Madame : Oui, oui, oui et un soir Mr Berre, au bout de quelques temps alors, surtout que sa secrétaire… J’étais sourde, mais elle voulait m’envoyer au standard. Voyez, elle voulait rénover le secrétariat. Comme je ne parlais pas anglais et qu’on recevait du courrier en anglais, elle croyait qu’en parlant anglais et ben le secrétariat serait renouvelé, alors que c’était pas… c’était faux. On avait besoin que de deux secrétaires et encore qui parlent bien anglais, qui écrivent surtout en anglais. Le courrier et les réponses et traduire, pour traduire la spécification du bateau. Comme je l’avais en français et en anglais, finalement je connaissais tous les départements du bateau, la coque, les aménagements, l’appareil évaporatoire, ceci et cela. J’avais appris le bateau par cœur. Puis, je lisais quand même les plans. Voyez selon où il y avait une avarie. Alors, il fallait demander un tel, un tel. J’étais tellement … de La Seyne, avec des ouvriers et une maîtrise seynoise, j’étais bien acceptée.
Et alors, Mr Berre, un soir il arrive et il entendait parler et il paraît qu’il a téléphoné au gardien : « hé mais, c’est Madame B... mais là, quand il y a un bateau en mer, même tard, elle est là. Elle appelle le Laborieux qui doit emmener un tel, un tel, un tel » et puis avec les pièces, parce qu’il fallait aller à l’atelier mécanique, ou à la menuiserie, ou ceci, ou cela.
De ce jour là, Mr Berre m’a appréciée et je ne prenais pas en sténo parce que j’avais perdu la sténo. Mais je prenais en clair quand même et puis je … j’arrivais après à me lire quoi, mais lui aussi il pouvait en abrégé.
Après, je vais vous le chercher le cahier. Et bien tant et si bien qu'il m’a fait… il m’a donné une plume exceptionnelle à partir de cette année là, pendant trois ans il m’a appréciée.

Interviewer : C’était de quand à quand qu’il a été directeur Mr Berre ?
Madame : Il est venu en Juillet 66 pour autant que … parce que c’est là, c’est à partir de ce moment là, que les gens on été déclassés, jusqu’en 80, l’année où il est décédé, à Pâques.

Interviewer : Et vous, vous avez été au secrétariat avec lui ?
Madame : Et moi je faisais partie du département construction navale qui avait un directeur qui s’appelait Mr Michel Pero. Après il n'y a pas eu, il n'y a pas eu … Mr Pero était très chrétien et Mr Berre c’était pas du tout ça, il n'y a pas eu d’atomes crochus. Alors, Mr Pero a démissionné. Il a été remplacé par un autre ingénieur, Mr Perez, qui arrivait de Diego Suarez. Mais ce n’était pas ça, ce n’était pas ça, ce n’était pas le … Vous savez le système arsenal, avant, ça n’avait rien à voir avec le système chantier. Ce n’était pas pareil. La structure était beaucoup plus… elle était familiale, mais quand même on avait une maîtrise qui menait bien les ouvriers. Si bien qu’on a fait des bateaux magnifiques, voilà.
Mais l’arsenal, c’était plus cool. Il y avait aussi de bonnes réalisations, mais c’était un peu plus fonctionnaire.

Interviewer : Qui venait de l’arsenal ?
Madame : Ben, Mr Berre, il arrivait d’une société Ciel Construction d’Industrie Électrique. Mais il était beaucoup intervenu au Sahara là-bas, pour l’électrification de la conduite de gaz, enfin pour l’extraction de pétrole surtout, voilà.
Et quand on a fait faillite, c’est le groupe Herlicq qui nous a pris et dans le groupe Herlicq, il y avait Ciel et Mr Berre, comme il était né à Toulon alors, fatalement, il a été parachuté à La Seyne. Voilà, c’est comme ça qu’il est arrivé et avec le groupe Erlic, quand même, on a connu de bonnes références.
On a eu des commandes et après y a eu la conjoncture internationale parce que…

Interviewer : Et là, quelles étaient vos relations avec Mr Berre ?
Madame : Moi, avec Mr Berre c’était des relations d’estime.

Interviewer : Oui mais dans le travail.
Madame : Oui, dans le travail.

Interviewer : Vous vous appréciez, mais dans le travail quelles étaient vos relations ? Qu’est-ce que vous faisiez pour lui ?
Madame : Pour lui, je faisais mon travail comme pour … je le faisais pour Mr … je le faisais surtout pour Mr Pero. Mais je le faisais pour l’intérêt du chantier, y compris pour la renommée du chantier avec une, une … un esprit de professionnalisme exacerbé.
Je ne voulais pas être… je voulais travailler honnêtement voilà et ça c’est ce que Mr Berre a apprécié et je n’ai pas fait de différence entre l’ancien directeur, Mr Charon, pour qui j’avais travaillé pareil aussi. Mais lui, ça lui passait au-dessus de la tête. Il arrivait du Havre mais il était… C’était un jeune chien, par rapport à Mr Berre. Mr Berre avait quand même ., le fait de travailler en Afrique d’un bord de l’autre, il avait une maturité.

Interviewer : Quel âge avait Mr Berre, à peu près ?
Madame : Mr Berre, je crois qu’il avait, je crois qu’il avait… Papa est né en 1904 et lui je crois qu’il était né en 1908, ou quelque chose comme ça.

Interviewer : Donc, il n'était pas tout jeune.
Madame : Il n'était pas tout jeune non, non, il n'était pas tout jeune. Ou en 1910, ça fait… Il y a des choses qui me … pourtant, je savais beaucoup de choses.

Interviewer : Oui mais enfin, il n'était pas tout jeune.
Madame : Non, il n'était pas tout jeune, mais il avait une certaine maturité et il avait aussi surtout une vision des hommes, puisqu’il les avait maîtrisés là bas, en Afrique, qui n’était pas du tout la même que ce que nous avions comme directeur avant, parce qu’avant…

Interviewer : Alors, expliquez-moi cette vision des hommes.
Madame : La vision des hommes…, il était plus près de l’ouvrier que ne l’ont été les précédents directeurs, c'est-à-dire Mr Vessière qui était GM lui encore oui, il était …

Interviewer : Quand vous dites qu’il était GM, c’est Génie Maritime ?
Madame : Génie Maritime oui. Lui c’était un jeune GM et quand il est venu et il s’occupait… il est arrivé après la libération. Il s’était occupé de la liquidation du chantier Serra, vous savez les chantiers italiens Serra, là.
Avec lui ça a bien marché. Mais il y avait Mr Lechevalier, Chevalier qui était à Paris. Le Président c’était Mr Lamouche. Après, Mr Vessière est parti quand on a fait faillite. Il est même allé en prison aussi, parce que ce n’était pas comme maintenant. Il n'y avait pas des détournements d’argent. Il y avait par exemple on avait des, des … on recevait des subventions pour fabriquer les chars. On l’a fait bon pour tout ce qui se bagarre en ce moment et encore il avait été mis en examen, comme on dit.

Interviewer : Et pourquoi il a été mis en examen ?
Madame : Parce que les … ce qu’il avait touché comme subventions, ben elles étaient pas toujours bien utilisées et ça vous le gardez pour vous.

Interviewer : Oui, oui.
Madame : Parce qu’il y a eu du gaspillage, beaucoup de gaspillage. Alors on a fait faillite, mais alors vraiment à plates coutures. Et le Sagagyord ça a été le pompon parce qu'après, plus tard, parce que toutes les supers structures étaient en alliage léger et on mettait des bleus et on a fait des tas d’essais pour essayer de faire quelque chose de convenable pour le paquebot. C’était un beau paquebot, c’était une aventure qui a été douloureuse, malgré tout. On a gaspillé de l’argent. On a été obligés de déposer le bilan en février 66 et alors Mr Berre après … J’ai les statuts là, qui avaient été publiés au Journal Officiel quand ils ont signé l’acte d’achat pour ainsi dire, le groupe Herlicq des chantiers de La Seyne. Mais on a pris aussi Ciel qui faisait l’électricité à bord des navires, ça commençait à être…. Il y avait déjà des sous-traitants qui travaillaient. Il y avait des menuisiers, voyez la menuiserie…

Interviewer : C’est devenu CNIM, là ?
Madame : C’est devenu CNIM après, voilà et là CNIM en face là. Aujourd’hui, il y a Villepin qui va là-bas pour faire trouver des emplois aux jeunes.
Ils ont gardé CNIM parce que pour la navale, ma foi, c’est pas vrai… pour la navale, ils ont fait des pontons, des pontons là, mais c’est tout. En fait, comme construction qui flotte sur l’eau il n'y avait que ça.

Interviewer : Oui autrement...
Madame : ... Et Mr Berre en principe, là, il a été tué. Sa voiture a explosé quand il a été tué, là, vendredi Saint, il est mort.

Interviewer : Oui alors, racontez-moi, Mr Berre vous dites qu’il était….
Madame : Il voulait quand même mettre de l’ordre dans le chantier. Parce qu’il y avait quand même beaucoup de gens qui étaient souvent en maladie, qui ne travaillaient pas. Il a commencé à faire un tri entre les gens qui dépendaient de ce qu’on appelait les frais généraux, c'est-à-dire des… pas les handicapés physique, c’est pas vrai… ils n’étaient pas handicapés physique. Mais il y avait des profiteurs qui se mettaient souvent en maladie et il y avait des responsables de service, de certains services, qui étaient complaisants, alors qu’ils auraient dû sévir un peu plus. Par exemple, le contrôle de la sécurité sociale aurait dû être exercé, alors que l’été c’était la corsaïne. Ils partaient en Corse, là. Ils se mettaient en maladie dans l’année, voyez certains et puis ils partaient en Corse. Ils avaient leurs congés pour un mois et tout ça ça nuisait à … ben, à l’avancement des travaux et puis ça coûtait cher aussi.

Interviewer : Donc, il a mis de l’ordre là-dedans.
Madame : Il a mis de l’ordre là-dedans. Il avait été un peu impopulaire. Mais n’empêche que ceux qui avaient envie de travailler étaient bien contents quand même d’être débarrassés de certains profiteurs quoi. Mais il avait bien écumé.
Et après, après sa mort ça a été…

Interviewer : Et après ? Parce qu’il a quand même été directeur pendant 14 ans, quand même.
Madame : On a eu quand même une belle embellie…
Interviewer : Parce qu’il y a eu toute la période 66–80, parce qu’après il y a … après c’est la fin, les années 80 mais, toute la période fin 70 … ?
Madame : Mais on avait pas mal de commandes.

Interviewer : … Il y a eu toute une embellie.
Madame : Ah oui, il y a eu une embellie et en plus on avait tous la loi d’aide. On bénéficiait de la loi d’aide.
Si bien que beaucoup d’ouvriers, par exemple à Six-Fours, ils se sont… ils ont eu droit à… Il a accordé des droits à hauteur de 1 % sur le salaire, pour permettre aux ouvriers d’avoir… d’acheter le terrain, de faire leur maison et tout.
Pour les chars, après, c’était fini, presque fini les chars. Mais pour les bateaux, il y en a beaucoup qui… qui ont pu vivre décemment et puis, en plus, ça a donné une impulsion à La Seyne qui était formidable.

Interviewer : Parce qu'on avait rencontré un monsieur qui était un travailleur immigré et qui dit …qu’il avait beaucoup d’estime pour Berre, voilà alors par contre…
Madame : Pour les travailleurs il avait beaucoup d’estime, qui que ce soit, il avait beaucoup d’estime. Même ceux du garage là, certains étaient vraiment dévoués, disponibles. Même, je ne dirais pas bénévolement, mais presque, parce qu’il savait s’y prendre avec les travailleurs, voilà.

Interviewer : Et comment il s’y prenait ? Il savait s’y prendre.
Madame : Ben, il savait s’y prendre ben, il était assez perspicace. Il vous regardait faire.
Moi je l’ai vu, pour moi-même. Il me regardait écrire et quand il allait au garage, ben Jean-Claude Bruna, là, il me disait « Tu sais L..., quand il vient, il regarde comment on nettoie la voiture ».

Interviewer : Et alors le fait de regarder les gens… ?
Madame : Et ben, de les regarder travailler, il appréciait ceux qui travaillaient et ceux qui tournaient autour et qui faisaient semblant de se faire voir et tous les trucs qui ne travaillaient pas.

Interviewer : Il y avait quand même beaucoup d’ouvriers qui travaillaient aux chantiers, en dernier.
Madame : Oui, mais après il avait fait … Il avait organisé des réunions par atelier, là, avec la maîtrise.
Ce n’est pas lui qui y allait, mais il avait délégué quelqu’un pour écouter les doléances des uns et des autres et il demandait justement des comptes et il demandait quand même des comptes, pour les heures de travail.


La modernisation de la production Écouter cette séquence

Interviewer : Donc, il y avait des réunions par atelier, vous dites ?
Madame : Oui, par atelier. Mais c’était… Il avait créé ce qu’on appelle le bureau de préparation du travail.
Il avait fait faire des stages à des agents de maîtrise qui étaient un peu indolents, pour leur apprendre à maîtriser justement les équipes qu’ils avaient sous leurs ordres. Mais ce n’était pas évident parce qu’il y en avait qui s’endormaient sur leurs lauriers. Parce que, là aussi, il y avait le copinage pour faire avancer, hélas.
Vous m’avez dit que vous aviez un frère qui travaillait aux chantiers, il n'était pas au bureau de fabrication, Mr Legallo ?

Interviewer : Oui, oui, oui, vous avez dû le connaître.
Madame : J’ai dû le connaître.

Interviewer : Au contrôle.
Madame : Au contrôle ou quelque chose comme ça, contrôle des heures de travail et il pourrait vous en parler.

Interviewer : Mais, je ne sais pas s’il a connu… oui, peut être.
Madame : Oh, je pense qu’il a connu, oui, oui.

Interviewer : Oui, oui.
Madame : Il a dû … pas longtemps peut être mais, il a dû le connaître, oui, oui. Et il a apporté aussi même, il a encouragé l’entrée de l’informatique aussi dans le chantier mais pour, pour le … pour le dessin des bateaux. Parce que quand on nous demandait un devis pour un bateau, il fallait quand même … et quand un armateur à travers même, mince, comment ça s’appelle un ship-chandler, qui demandait pour un tel ou tel armateur même étranger et tout, il voulait ou un paquebot ou un transport de produits chimiques et tout. Il fallait faire de suite un devis et envoyer par fax le profil du bateau qu’il demandait. Alors, il y avait quand même la cabine du commandant, l’équipage ceci et cela puis, selon si c’était un petit, un petit paquebot ou autre, le devis approximatif et ça il l’avait encouragé.
Et, il avait fait beaucoup d’investissements justement pour faire ce …, faire faire ce travail là.
Et puis, le découpage des parties de bateaux ce qu’on appelait, avec une machine qui était … qui découpait les tôles de Citomac. Je m’en rappelle, autant que ... Mais moi, je n’étais pas à la production. Je voyais passer des papiers, mais ceux qui y ont travaillé … Il apportait une nouvelle impulsion, quoi de modernisme, de modernisme.

Interviewer : Il a modernisé…
Madame : Il a commencé à moderniser.

Interviewer : … Par un peu d’informatique, vous dites un peu de… ?
Madame : Et le contrôle un peu plus peaufiné.

Interviewer : Il a un peu plus… il a essayé d’augmenter la productivité des gens.
Madame : Voilà. En plus, il a fait faire la darse, l’avant-cale. Il a fait faire ça aussi pour qu’on puisse ne plus aller… pas aller systématiquement dans les bassins de l’arsenal.

Interviewer : Ah d’accord.
Madame : Parce qu’il croyait que, peut-être, l’arsenal coopérerait … nous ferait un prix pour la location des bassins.
Ce n’était pas donné, les bassins Vauban. Oh la la, c’est que, eux aussi, on ne le disait pas, mais ils avaient des difficultés financières, aussi.

Interviewer : Bien sûr, bien sûr.
Madame : Parce qu’après, moi, j’ai connu Mr Favrel qui avait travaillé à l’arsenal et quand Mr Pero est revenu en … quand est-ce qu’il est revenu, en 77, non, non, non il n'y avait plus Mr Berre, en 82, il n'est pas resté longtemps après parce que moi je suis partie en 86. Il y avait … c’était bicéphale. Il y avait Mr Favrel qui arrivait du bureau d’étude, justement qui avait travaillé là-bas où il y avait l’informatique au bureau devis-projet des bateaux et puis Mr Pero qui devait prendre aussi la direction des chantiers de La Ciotat. Mais il ne pouvait pas, ce n'est pas vrai, La Ciotat oh la la. Il a été mal vu, d’ailleurs il a eu des menaces de mort et tout et puis après c’est parti en l’air.
Mais moi, je préférais partir aussi. J’aurai pu rester jusqu’à 60 ans mais mon système nerveux ne me le permettait plus parce que comme j’avais des menaces aussi et puis il y avait beaucoup trop d’ouvriers que j’avais connus qui étaient malheureux. Il y avait des dessinateurs qui avaient été renvoyés. Il y en a qui ont fait des dépressions nerveuses. Il y a eu des suicides aussi.

Interviewer : Bien sûr.
Madame : Ah oui. Non mais ça, extra sensible comme je suis, je ne pouvais pas le supporter, je ne pouvais pas.

Interviewer : Oui, alors il a créé ces espèces de petites réunions… ?
Madame : Il a bougé tout le monde.


La direction et les syndicats Écouter cette séquence

Interviewer : Il a bougé … et quelles étaient ses relations avec les syndicats ?
Madame : Avec les syndicats, il était moins virulent qu’avec les autres directions. Parce que le directeur de … l’adjoint au directeur du personnel de l’époque, Mr Roche, n'était pas encore directeur du personnel. Mais il lui préparait le terrain et il calmait les leaders. Les leaders, il les calmait parce qu’il y en avait quand même qui étaient récompensés, voyez.
Mais je vous dis, attendez, je … je vais vous chercher le cahier là. Je vais vous faire voir, une seconde….
Et Mr Berre qui n’était plus et Josette Marianini, c’était Mme Biberian. Je ne sais pas si ce nom vous parle ou pas.
Et on a regardé toute l’armoire au coffre. Mais elle, elle ne savait pas ce que c’était.
Par exemple, quand on recevait la décision de la loi d’aide, il fallait envoyer une copie à la banque pour pouvoir débloquer l’argent. Avec ça, on payait tous les salaires, de tout le personnel du chantier. Mais elle le … parce que c’était confidentiel, elle le mettait dans l’armoire coffre.
Alors, on sait bien que … moi j’ai dit « Mais, mais quand même ». J’ai téléphoné à Paris, elle m’a dit… J’avais une copine en haut qui était rentrée aux chantiers en même temps que moi. Mais elle, comme elle était déjà bilingue, elle était quand même au service financier. Elle m’a dit « Je te l’envoie à la maison maintenant » et heureusement que je me suis vraiment dévouée...

Interviewer : Vous le receviez à la maison...
Madame : Ah oui, oui, non mais elle ne comprenait rien. Elle ne comprenait pas. Elle ne savait pas.
Tout ça c’est parce que, quand on vous met à un poste là, vous êtes secrétaire du directeur, mais qu’est-ce que ça veut dire, secrétaire du directeur.
La secrétaire du directeur de la Comex, là de Mr Delose, elle avait 60 ans et vous savez, elle, elle était vraiment intelligente. Où est-ce que j’ai son écriture ?…


Une secrétaire dévouée Écouter cette séquence

Madame : Quand il devait aller à Paris, il nous donnait l’ordre du jour de la réunion. Quand il est revenu, je préparais tous les dossiers jusqu’à 9 heures du soir. Et le matin, quand il passait aux chantiers, quand le chauffeur venait le chercher, il laissait sa voiture aux chantiers. Il prenait son cartable, quoi. Il me laissait son … sa serviette et je mettais tout dedans, c’est ça la secrétaire, c’est pas de répondre au téléphone.

Interviewer : Il avait une confiance parfaite en vous.
Madame : Oui, ça c’était en 67, voyez, regardez. Il nous avait écrit, il me l’avait donné à moi. Voilà ça c’est regardez tous ces chiffres et ça, ça n’a jamais été arrosé parce que l’autre elle était jalouse. Non, mais il y a des … c’est chipie, les femmes.

Interviewer : Faut pas les détruire ça, Madame.
Madame : Ben, je ne sais pas. Je ne sais pas alors ça. Mme Berre est décédée. Puis, de toute façon, ça ne l’intéressait pas et puis, comme après il y en a une qui est venue interférer dans la Maria. Elle lui a fait du chantage à la naissance d’un garçon qui, soit disant était de lui, alors que c’était faux. Les signatures paquebot, le 7 avril, tout ça. Ça c’est tout à lui ça. Alors je …

Interviewer : Ceux sont ses notes ?
Madame : Ses notes personnelles. Cadeau de fin d’année, voyez, c’est lui. C’est la secrétaire qui aurait dû le faire parce que moi, j’avais tout sur un agenda. D’abord, vous aviez les fournisseurs qui en offraient un à Mr Pero et puis ils m’en offraient un à moi. Ils savaient parce qu'eux aussi, ils faisaient pareil pour leur secrétaire.
Je notais tout, je ne sais pas. C’est une passion que j’ai eue et puis ça y est. Ça se voit d’ailleurs.

Interviewer : Oui, en effet.
Madame : Ça vous le … vous le gardez.

Interviewer : Mais, il faut le … en tout cas, il faut pas le détruire ça. Il faut le verser aux Archives départementales. Parce que vous avez beaucoup d’archives, en fin de compte.
Madame : Ben j’ai ça, j’en ai …

Interviewer : Ah ben voilà.
Madame : Voilà, regardez. Ça, ce sont toutes les lettres de remerciements. Mais ça, ça vous savez où je l’ai trouvé, ça. Ça, je l’ai trouvé dans …

Interviewer : … m’a dit : « Ben, demande à Mme B.... », mais moi … il n'a pas ce sentiment là, lui, pourquoi, pourquoi ?
Madame : Non, pourquoi, parce qu’ils ont fait du rejet à Mr Berre parce que…


Monsieur Berre et les ingénieurs Écouter cette séquence

Interviewer : Pourquoi ils ont fait du rejet à Mr Berre ?
Madame : …Parce qu'eux, ils étaient GM, Génie Maritime. Mr Joino aussi. Mr Preo, lui c’est un X et ils ont été peinés et mortifiés que les FCM soient partis en faillite.

Interviewer : Oui mais...
Madame : Et ils n’ont pas accepté que Mr Berre, qui n’était pas de la même essence que lui, que tout ceux là, qu’il n’était pas sorti du GM, qu’il était sorti … il était dessinateur à l’arsenal. Enfin, il n’était pas sorti du même rang.

Interviewer : Il était dessinateur à l’arsenal et puis après qu’est-ce qu’il a fait, après ?
Madame : Oui Mr Berre, après, il a …il est allé à Nantes. A Nantes, il a connu un certain Mr Léone. Un italien qui … avec qui il a pactisé et en plus, comme il était intelligent, il s’est créé lui-même un personnage de directeur, d’homme d’affaires.

Interviewer : Donc, il a eu la promotion.
Madame : Alors en plus, comme après il …du Sahara, il avait fait pas mal de choses. Les italiens, en Libye, ils avaient fait des choses aussi pour le pétrole et tout, et tout. Ça a fait une espèce de coopération un peu, un peu mafieuse, faut le dire, faut le dire. Et ni Mr Gerin, ni Mr Joino, ni Mr Pero, ni Mr Berre, ceci et cela n’y ont participé.

Interviewer : Et donc, Mr Berre est arrivé et a été nommé.
Madame : Par Herlicq.

Interviewer : Par Herlicq et quelles étaient ses relations avec Herlicq avant, avant d’arriver à … ?
Madame : Ben, parce que le groupe Herlicq était dispersé. Il était tout dispersé, surtout en Afrique.
Et puis, il y avait les chaudières de Babcock-Wilcox, en Belgique. C’était un empire, Herlicq, un empire.
Dans le bureau de Mr Berre, quand vous entriez, vous aviez la grande panoplie du monde, pas le monde entier. Vous aviez l’Amérique, vous aviez toute l’Europe, l’Afrique et partout, partout, partout, il y avait des petits drapeaux Herlicq, même en Indonésie, déjà.
Mais alors, petit à petit, quand ça marchait mal à La Seyne, il y avait des … des drapeaux qui disparaissaient. Il était obligé de vendre, oui, oui.

Interviewer : Mais lui, en même temps, il n'avait pas une bonne relation avec les ingénieurs ?
Madame : Avec les anciens ingénieurs de la direction du chantier.

Interviewer : Mais pourtant par exemple Jean, il n'est pas arrivé par rapport à Mr Berre, il est arrivé au même moment en 66, il est arrivé Jean.
Madame : Un peu avant, un peu avant oui. Mais, même s’il était arrivé après, Mr Berre n’était pas du GM.

Interviewer : Il n'était pas du milieu quoi ... des ingénieurs.
Madame : Non, non, non.

Interviewer : Et pourtant, au niveau des relations entre eux, entre les ingénieurs et Berre, ça se passait mal ?
Madame : Ah ben non, pas avec tout le monde. Il y en a beaucoup qui étaient contents de Mr Berre.

Interviewer : Ah, je parle des ingénieurs, là.
Madame : Oui, non mais il y a eu un parti pris entre la production et ceux de la rotonde. La rotonde n’ont pas adhéré, pas tout à fait adhéré à enfin … personne d’ailleurs à … ne se sont pas associés à la personnalité de Mr Berre. Par contre, à la production, comme il a secoué tout le monde et qu’il était près des ouvriers, il a eu quand même des ingénieurs qui lui sont restés fidèles et qui ont beaucoup travaillé, qui ont beaucoup travaillé.

Interviewer : Donc, il y a eu une scission.
Madame : Une scission.

Interviewer : Entre, d’un coté la production…
Madame : La rotonde et la production.

Interviewer : Et comment il gérait ça, à la rotonde avec ces ingénieurs d’étude ?
Madame : Ah ben oui, il gérait parce qu’à l’intérieur des services du bureau d’étude il y avait des dessinateurs qui aimaient Mr Berre et qui travaillaient comme moi.
On s’en foutait pas mal que ce soit Mr Berre ou un autre. On faisait bien notre travail. On l’avait fait pour les autres directeurs, il n'y a pas de raisons qu’on ne le fasse pas pour lui. Quand vous avez l’amour de votre travail.

Interviewer : Et puis, lui, vous pensez qu’il était plus proche des gens ?
Madame : Ah, il était plus proche, oui, oui, oui, il était plus proche. C’est un homme de terrain. Tandis que les autres c’étaient …. un homme de … c’étaient surtout des… un peu comme des mandarins, quoi.

Interviewer : Et c’est ce qui faisait sa popularité.
Madame : Voilà, oui, oui, oui. Parce que vous aviez par exemple Mr Roche. Lui, il était pas GM. Je sais pas s’il sortait pas d’une école catholique ou quelque chose comme ça, parce qu’il y avait ça aussi. Il y avait la religion.
Gerin non, mais c’est … ils étaient, ils étaient gentils mais un peu, un peu distants, on va dire.

Interviewer : Condescendants.
Madame : Ah, condescendants oui, oui oh la la, il y avait des ouvriers, même, qui habitaient à côté.
Il y en a qui se forçaient d’aller à la messe, parce que le chef allait à la messe, voyez.


La religion aux chantiers Écouter cette séquence

Interviewer : Ah, il y a la religion qui …
Madame : Ah, la religion, elle a joué à un moment donné, c’était bien idiot.

Interviewer : Mais la religion, pourquoi à un moment donné, surtout à ces époques-là ?
Madame : Ben non, moi, je suis rentrée en 47. Mais dans les années 50-55, fallait voir.
Et les grenouilles de bénitier qu’il y avait du côté de Tamaris, là-bas.

Interviewer : Mais qui était religieux comme ça ? qui est-ce qui était… c’était Mr Roche ?
Madame : Ah non, Mr Roche non, lui, non oh la la, lui non, c’était un gangster, ah oui, oui, oui, Mr Roche, ah non mais Roche, c’était beaucoup plus tard ça.
Mr Roche était affecté au bureau de fabrication quand il est rentré aux chantiers. Il a fait son apprentissage là-bas, super intelligent. Et en plus, il était coquin parce qu’il était tellement ambitieux. Il rentrait le samedi matin alors, son chef Mr Pignol, c’était un ami de papa. Je le lui ai raconté à papa. Il ne lui disait pas de rentrer mais lui a dit « Mais, qu’est-ce que tu fais Julien » il a dit « Mais, hier vous ne m’avez pas donné les feuilles de pointage pour les heures, alors je suis venu les faire », ce n’est pas vrai et puis après alors quand Mr Pignol allait aux toilettes, lui se cachait sous le bureau et il appelait. Il refaisait la voix de Mr Dese qui était un ingénieur qui était chargé de la mécanique et qui lui, quand même, était consciencieux. Il venait voir un peu … Il y avait des gens qui travaillaient en heures supplémentaires et il venait voir. Alors, il dit « Mr Pignol, il y a Mr Dese qui vous demande, là-bas à la rotonde » ce n’était pas vrai.
Alors, il allait là-bas et quand Mr Dese arrivait à l’atelier, Mr Roche il disait bonjour à Mr Dese et il disait à Mr Pignol « Voyez, qu’il est venu Mr Dese », alors je ne l’ai pas vu, on a dû se croiser, sans se voir, mais il était coquin.
Et qu’est-ce qu’il avait, il avait 23 ans quelque chose comme ça.

Interviewer : Mais lui, ça a été une promotion interne, Mr Roche ?
Madame : Ah oui, oui.

Interviewer : Mais alors, cette histoire de religion racontez-moi un peu cette histoire de religion.
Madame : C’était tout à fait au début du chantier. Il y avait beaucoup d’ingénieurs qui habitaient dans le quartier de Tamaris, là-bas. Ils allaient à la petite église de Tamaris, je ne sais pas si vous l’avez connue.

Interviewer : Elle existe toujours cette petite église ?
Madame : Non, il y a le bâtiment mais l’église ne fonctionne plus.

Interviewer : L’église de Mar-Vivo, vous voulez dire ?
Madame : Non, non, non, non Tamaris, Tamaris, là.

Interviewer : Elle est où cette église ?
Madame : Elle est, voyez là où on a fait toutes les villas de Georges Sand là, à la Corniche. Il y a une petite bâtisse et là, à côté, on a rénové une belle bâtisse, là où il y a des agences immobilières. Ça a été restauré, c’est magnifique.

Interviewer : Oui, oui, je vois.
Madame : Et ben, je crois qu’elle est adjacente. D’ailleurs, justement, il y a une copine de classe, Bonneau, qui était très… dont les parents étaient très religieux. Elle s’était mariée dans cette petite église.
Et moi, il y avait un an que j’étais mariée. Ma belle-sœur m’avait fait un petit tailleur blanc. J’avais mon chapeau de mariée là, mais j’avais enlevé le voile et tout, parce que maman m’avait fait une robe magnifique, à ma sœur et moi.
C’était une couturière hors pair, vous savez on sentait … je l’ai toujours la robe. Et on a cru que c’était moi la mariée. Ma belle-sœur m’avait accompagnée, Bruno aussi. On était sur notre trente et un mais et ben, c’était tout des religieux, vraiment des religieux Munier, Mr Bonneau et puis il y en avait quatre ou cinq Mr De Dinechin, c’était tous des gens, vous savez…

Interviewer : Des ingénieurs catho.
Madame : Catho, mais chef de service aussi, aux finances, l’autre … ils avaient une mentalité malsaine.

Interviewer : Ah oui.
Madame : Oui, oui, oui alors, les …

Interviewer : Alors ceux là, ils n’aimaient pas…
Madame : … Les hypocrites, ils allaient à la messe pour se faire voir.

Interviewer : Ah oui.
Madame : Mais sa conviction religieuse… il y avait plus pourri qu’eux quand il y a eu les licenciements là, la première charrette. Le Munier, qui est mort après, il les a tous … classés ouvriers pour ne pas qu’ils soient renvoyés et un mois après, il les a reclassés, comme ils étaient avant.
Alors, c’est sûr qu’il était béni. Il était, enfin on lui passait la brosse quoi, ça a, ça a… Il y a des services où c’était pourri, pourri.
Mr Berre n'a plus voulu de tout ça, il n'a plus voulu. Il a purgé, voilà, il a purgé.

Interviewer : Et là, comment il a fait pour purger, par exemple ?
Madame : Ben, pour purger, il a demandé au service du personnel, c’est là où Mr Roche qui était, qui n’était qu’affecté au service du personnel, mais il y en avait un autre aussi qui était aussi passe brosse, pas pour la religion mais il faisait des ronds de jambes, Mr Lebescon, vous avez dû …

Interviewer : Ah oui, je le connais.
Madame : Voyez ce genre de gens. Alors, il a fait du zèle pour voir… Il avait demandé à un responsable dont Mr Lebescon de lui faire la liste de tous ceux qui étaient souvent en maladie, ça a été vite fait parce que …

Interviewer : Il n'y en avait pas des masses.
Madame : Il n'y en avait pas des masses, mais n’empêche qu’il y en avait et ben ceux-là, ils sont tous partis. Oui, oui, oui parce qu’ils n’étaient pas productifs. Il avait mis de l’ordre. Mais là, la lettre de ce que je vous ai montré la préra… elle m’avait touchée mais ça je… Il dépeint l’homme qu’il était.

Interviewer : Oui, parce que là, si vous voulez à l’écriture, bon on voit que ce n’est pas quelqu’un qui sait bien écrire donc, c’est peut-être un ouvrier ou quelqu’un…
Madame : Je crois que c’est quelqu’un qui était chez Ciel, qui avait travaillé avec Mr Berre en Afrique et qui après je ne sais pas s’il avait monté une petite boite ou quelque chose comme ça. Mais il vous dépeint l’homme qu’il était avec les ouvriers.

Interviewer : En fait, c’est un homme qui est sorti du lot…
Madame : Il est sorti du lot.

Interviewer : Et qui …
Madame : Il s’est sorti lui-même, il s’est élevé, avec les gens humbles comme… Moi, j’ai toujours été simple, comme je suis maintenant, je n’ai jamais…

Interviewer : Donc, il était mieux avec les gens humbles…
Madame : Ah oui, humbles.

Interviewer : …Qu’avec l’encadrement ?
Madame : Avec l’encadrement de haut niveau.

Interviewer : Donc, il y avait ce côté religieux.
Madame : Là après, ça a été balayé tout ça, ah oui, ça a été balayé non, non parce que lui d’abord, il …

Interviewer : Mais, comment il a fait pour faire balayer tout ça, justement ?
Madame : Ben, comment il a fait, il a fait que les gens qui l’abordaient et bien, comme il avait, soit-disant, des convictions religieuses, il ne pouvait pas adhérer à son mode de vie parce qu’il n'avait pas abandonné sa femme, mais il avait une maîtresse, Maria, qu’il affichait ouvertement. Une belle femme, une belle brune, là. Pensez que quand elle est venue à un lancement, ah ben, justement dans la rotonde, elle est arrivée avec une cape en zibeline.
Alors Mr Chignon à l’époque qui était … il arrivait de la marine là, du commissariat de la marine, il était chargé de l’organisation du lancement, ce jour là, je me rappelle plus lequel. Alors, il me dit « vous préparez une fleur et vous l’offrez à Mme Berre ». Alors, j’ai dit « mais laquelle ». Non mais, j’ai mis les pieds dans le plat.

Interviewer : La femme et la maîtresse.
Madame : La femme n’était pas là. Elle n’était pas présente. Mais moi je l’avais vue à Toulon, Mme Berre, elle …
J’avais acheté une paire de gants en peau, dans la rue d’Alger. Je ne sais pas si vous avez connu ce magasin-là.

Interviewer : Oui, oui, bien-sûr…
Madame : Et elle était là. Elle a fait sortir vingt paires de gants, pour en acheter une paire et puis elle les a envoyés comme ça, dédaigneuse, parce qu’elle avait de l’argent.

Interviewer : Et oui.
Madame : Mais moi, ma paire de gants marron, je les ai toujours sauf que je n’y entre plus dedans mais… parce qu’il fallait qu’on soit habillés correctement pour les lancements, tout ça. Et bien, c’était un bel homme, vous voyez, je ne me rappelle plus la date, là.

Interviewer : Il est né, elle est délivrée en 67.
Madame : Oui, mais la date de naissance.

Interviewer : Ah, 1916.
Madame : Ah, 16 voilà. Papa c’était en 6 et lui en 16, voilà c’est ça.

Interviewer : Donc, il avait femme et maîtresse.
Madame : Ah oui. Il en avait plusieurs même. Mais même la secrétaire qu’il a emmenée, Josette, moi, j’ai eu … je vais avoir 76 ans, elle, elle doit avoir dans les 72 ans maintenant. Mais quand elle est arrivée, elle avait pas loin de 30 ans. Elle avait un peu l’allure de Grâce Kelly, sauf qu’elle n'avait pas sa classe.

Interviewer : Oui.
Madame : Mais, elle était jeune. Il y avait je ne sais pas combien, au moins 30 ans de différence. Il avait déjà 60 ans bien sonnés quand il est venu. Alors, elle se faisait force de beaucoup de chose alors que… il avait la Maria qui lui avait mis le grappin dessus. Il avait acheté un grand domaine au Val, à un médecin, Cohen Bari, un juif. Il en avait fait une propriété splendide.

Interviewer : Et Maria vivait là ?
Madame : Elle vivait là, oui, oui.

Interviewer : Et il l’entretenait ?
Madame : Et il l’entretenait. Et, en plus, après sa mort, là, elle s’est mise en ménage avec un bon copain de Mr Berre.
Et puis, ils ont vendu la propriété sans scrupule.

Interviewer : Et la propriété appartenait à cette dame ?
Madame : Ah oui, oui, oui.

Interviewer : Il lui avait achetée ?
Madame : Elle était… ah oui, oui parce que Mme Berre après… entre temps elle était décédée et il avait une fille un peu anormale, mais elle émargeait chez Ciel. Bon, elle était placée dans une maison et c’est une tante, enfin, la sœur de Mr Berre, oui la sœur de Mr Berre qui a continué à l’élever, je … elle est morte, elle aussi, après.


Avant et après la mort tragique de Monsieur Berre Écouter cette séquence

Interviewer : Et il n'a pas eu de descendant, en fin de compte.
Madame : En fin de compte, il n’en avait plus.

Interviewer : Parce que sa fille était … un peu elle était…
Madame : Non, non il n’avait qu’elle, il n'avait qu’elle, oui, oui. Ah, il a eu un tragique destin quand même.

Interviewer : Ah oui ça, c’est sûr et alors donc, sa voiture a explosé.
Madame : Elle a explosé oui, oui.

Interviewer : Il y a eu une enquête de menée ?
Madame : Oh, ben sûrement. Mais enfin, moi, je l’ai su par les renseignements généraux.

Interviewer : Ils considèrent que …
Madame : Ah oui, c’est un attentat, un attentat et c’est … il faisait partie du SAC.

Interviewer : Ah bon.
Madame : Ceci explique cela.

Interviewer : Ah d’accord.
Madame : Après la tuerie d’Auriol, on voyait… il y en a un qu’on appelait Kojac là, il était tout rasé. Enfin, il était… il avait tout du gangster, voyez. Il y avait quand même des présences un peu … par exemple, comment on l'appelle, le corse, là qui a été préfet.

Interviewer : Marchiani.
Madame : Marchiani, oui. Moi, je l’ai croisé dans la rotonde, oui, oui.

Interviewer : Déjà ?
Madame : Des yeux bleus d’acier, vous savez, un regard.

Interviewer : Petit.
Madame : Petit, oui, oui. Guère plus haut que moi.

Interviewer : Mais il était quand même plus jeune, beaucoup plus jeune que Mr … ?
Madame : Beaucoup plus jeune, oui, il faisait partie du SAC lui aussi et c’était un peu la garde rapprochée, ça.

Interviewer : Oui c’était l’époque … c’était un peu l’époque gaulliste, ça ?
Madame : Oui, ah ben quand De Gaulle est venu à Toulon, quand il y a eu l’attentat, là au Faron, ils ont tous défilé sur le boulevard, Marchiani, lui et puis…

Interviewer : Et lui aussi ?
Madame : Ah oui, oui il était en tête devant. Il y a une photo dans les journaux à l’époque, ah oui, oui.

Interviewer : Donc, il est passé à la casserole.
Madame : Il est passé à la casserole oui, oui, oui. Dommage, parce que moi, ça m’avait…
J’ai eu le coup de fil à une heure moins dix. Pensez que j’avais été malade. J’avais commencé déjà à être ennuyée avec le cœur parce que je m’étais trop fatiguée. On nous avait déménagé du 1er de la rotonde. Là, on nous a mis au deuxième à la navale et en bas à l’entresol. On a mis CNIM qui, après, est allé à Brégaillon, là-bas. Et ce déménagement, ça m’avait affectée et moralement et physiquement. Je suis restée trois mois en maladie, trois mois pleins. Je ne pouvais plus… Dépression nerveuse, ceci et cela.
Et puis, je ne voulais plus retourner au secrétariat. Alors, comme j’avais une amie qui travaillait au service contentieux, qui attendait un bébé, j’avais souhaité aller au contentieux. J’aurais été seule et, ma foi, je me serais occupée des dossiers parce que je donnais les éléments pour le service du contentieux. Quand il y avait des bris, ou quoi que ce soit à bord des bateaux, il fallait qu’on le déclare aux assureurs et je donnais le texte de l’incident au cabinet Brunet et Morin. Et j’avais demandé à remplacer Josiane mais, on ne me l’a pas accordé. On a mis quelqu’un d’autre pendant qu’elle manquait. On a appelé … on a fait appel à une femme dont le mari était à l’arsenal, Mme Letalec, qui avait une formation quand même, juridique. Mais après, alors elle est restée. Mais, elle aussi on lui avait cassé le bureau, moi aussi on m’avait cassé le mien, enfin bref. Ça c’était après la mort de Mr Berre. Ah, ça a été une drôle d’épopée.

Interviewer : Alors, en même temps, c’était un homme qui était apprécié des … donc du personnel et en même temps, il avait des zones d’ombres, quoi.
Madame : Oh, il avait des zones d’ombres oui, oui. Moi, j’ai eu des contacts là. Vous savez des fois on se trompait, parce que quand Josette Marianini a appris que la Maria avait mis le grappin sur lui, il est parti, lui, pour aller voir Josette, là-bas, à Hyères. Il parti pour aller là-bas voir Josette à Hyères et c’est là qu’il est mort, un peu avant d’arriver à Hyères.
Et moi, j’ai eu le coup de fil… il me dit « Mon Dieu, L... il y a longtemps que je ne vous vois plus » j’ai dit « Mais, Mr j’ai repris le travail, mais il n'y a pas longtemps que je l’ai repris » « Comment, Seda elle me l’a pas dit » ah j’ai dit  « Je ne sais pas si elle ne vous l’a pas dit, mais moi j’étais bien malade, sinon vous me connaissez » il me dit « Mon Dieu » mais après justement, quand moi j’ai été malade, les essais en mer étaient finis, c’était passé à la production.
Ce n'était plus pareil, il n'y avait plus Mr Pero. C’était passé à la production et il m’a dit « écoutez, quand je reviens on se voit » parce que j’ai dit « Vous savez, j’ai repris mais je ne sais pas si je vais avoir la force de faire ce que je faisais avant et puis je ne suis pas contente, c’est triste pour moi », il me dit « on se voit ».
Et c’était tout vu, à une heure moins dix, on me téléphone, je n’avais pas encore quitté le chantier, pour me dire que Mr Berre était décédé.

Interviewer : Et oui, et oui.
Madame : C’était le vendredi Saint. Il y a des moments dans la vie, vous vous dites que vous participez à des événements et le destin vous impose. C’est pas… c’est bizarre la vie.

Interviewer : Oui, oui, mais c’est intéressant. Ce personnage est intéressant parce qu’on rencontre des gens qui vous disent beaucoup de bien, il y en a un en particulier …
Madame : … perché et un soir il m’a dit « Faut quand même qu’on regarde ». Il avait la clé de l’armoire coffre, une armoire qui était de là, à là, comme ça. Et moi, comme je n’avais pas les yeux dans la poche, j’ai dit « Mon Dieu, Monsieur, regardez il y a une tôle, là, elle n'est pas bien coincée contre l’armoire et je crois qu’il y a quelque chose derrière ».
Alors, avec Bruno qui avait une force de cheval à l’époque et Mr Pero qui était grand, ils ont sorti, là, mon Dieu, le papier qu’on a trouvé. J’ai dit « Attention, il y a les gardiens qui vont passer, là » et heureusement qu’il y avait quand même un rideau bleu marine, vous savez. Et bon, avec mes appareils, j’entendais quand même et Mr Pero, il entendait bien.
J’ai dit « Dès que vous entendez des pas, il faut éteindre la lumière » parce qu’alors comme langue de chose, il y en a quelques-unes, attention pour Mr Roche, vous voyez. Qu’est ce qu’on a trouvé, des dossiers sur l’Afrique, le SAC.

Interviewer : Mais qu’est-ce que vous en avez fait de tout ça ?
Madame : Ah non, non, non Mr Pero, il avait … j’ai dit « Qu’est-ce qu’on en fait ? » il me dit « Vous savez ce que l’on va faire, vous restez là, je dois avoir un sac ou une valise là, quand je pars en mer dans ma petite armoire, dans le bureau. On va essayer de mettre les plus compromettants ».
Il y avait des actions de Ciel, mais il est allé les rendre à Mr Planel qui était directeur de Ciel.
Il en a fait une dépression quand il a vu ça.

Interviewer : Et pourquoi, pourquoi ce n’était pas bien d’avoir des actions de Ciel ?
Madame : Non, non, non ils avaient été planqués. Il n'avait pas donné les actions à ceux qui avaient travaillé.


Monsieur Berre, un personnage fascinant Écouter cette séquence

Interviewer : Donc, y a dû y avoir des détournements.
Madame : Des détournement d’argent ah oui, oui, oui.

Interviewer : Et pourtant, vous avez en même temps beaucoup de … je dirai presque de l’affection pour lui.
Madame : Oui, j’aime les gens qui ont de la personnalité, même s’ils sont un peu voyous.

Interviewer : Il était un peu voyou, quoi.
Madame : Hein ?

Interviewer : Il était un peu voyou.
Madame : Ah, un peu voyou oui, un peu voyou. Ben, je crois que fatalement quand vous manipulez de l’argent, vous vous laissez avoir surtout qu’il était…, il avait évolué dans un milieu enfin, même en Italie Léone, ce n’était pas quelqu’un de … il avait un cousin qui avait été ministre.
Il avait une belle femme et en plus sa femme, elle tenait une grande usine de fabrication de jambon dans l’arrière pays au-delà de La Spézia. C’est des gens qui s’étaient enrichis vous savez, pas … avec le travail aussi attention, mais enfin, vous savez, après quand vous évoluez, surtout le port de Carrare, tout ça.
Il y avait des bateaux qui venaient, il y avait le trafic des cigarettes, il y avait ceci, il y avait cela.
Vous êtes impliqués après, c’est malgré vous, c’est malgré vous.

Interviewer : Oui alors, en même temps, il était efficace pour…
Madame : Et ben oui, mais il fallait bien qu’il soit intelligent aussi pour mener même les hommes.
Vous savez, quand vous avez à faire au milieu ce n’est pas, ce n’est pas des saints que vous avez en face.

Interviewer : Bien sûr, bien sûr.
Madame : Il faut que vous soyez comme eux. Bruno, il a eu un oncle qui était maître du port à Biarritz. Il était maître du port. Il a été mêlé à l’histoire des Combinati, vous savez, les cigarettes trafiquées. Il n'a pas fait de la prison lui, il a volé les autres.

Interviewer : Tant qu’à faire.
Madame : On l’a appelé le Negus, Al Capone et tout. Il avait d’autres surnoms, mais d’une intelligence… Il ressemblait un peu à Léo Ferré, oui, oui, oui comme physique. Et Mr BERRE ben, il était fascinant, quoi, quand même.

Interviewer : Il vous a fascinée.
Madame : Oui, ben, il savait qu’il n’avait pas de prise sur moi pour… parce que quand Josette est partie, là quand elle a fait un scandale, il l’a levée de devant.

Interviewer : Elle a fait un scandale parce qu’il avait Maria ?
Madame : Ben, il avait Maria.

Interviewer : Il en avait deux, quoi.
Madame : Oui, il en avait deux. Mais il a été obligé de lui acheter une maison, à Hyères. Ah oui, oui, oui quand même, chantage.

Interviewer : Et Josette comment elle a fait, elle ?
Madame : Et elle, après, quand il est mort, elle a vendu la villa et elle s’est retirée soit-disant à Giens. Mais elle n'est pas restée longtemps et puis elle a eu des velléités de se tourner vers la religion, ceci et cela, c’était Marie-Madeleine, quoi, oui, oui, oui.
Là, maintenant, elle est catéchiste à La Seyne enfin, c’est pas … elle n'est pas tellement claire. Elle s’est mariée, elle a fini par se marier avec un certain Yanke qui était au service de vie projet, un veuf qui avait trois filles.
Et puis, comme il avait de l’amiante et il avait beaucoup fumé, il est mort assez vite.
Et elle s’est retournée encore vers la religion, elle avait essayé d’aller à Cannes là-bas, mais c’est trop dur.

Interviewer : Bien sûr, bien sûr et il faut vraiment être…
Madame : Non, non, mais en plus, c’est qu’elle était habituée à une vie vraiment de luxe. Elle avait une coccinelle, la voiture tout payée, vous vous rendez compte.

Interviewer : Mais, elle était secrétaire en plus.
Madame : Elle était secrétaire, oui mais elle était secrétaire, elle n’avait aucune formation de secrétaire.

Interviewer : Oui, c’était un passe-droit, quoi.
Madame : Un passe-droit ah, oui, oui, oui tout à fait et en plus, elle était vraiment lunatique parce qu’elle voulait se venger, vous savez, nous, surtout moi, les vieilles employées, là. Elle voulait se venger de, des FCM ceci et cela, elle voulait commander. Elle croyait qu’en commandant, elle pourrait faire le secrétariat. Mais, elle n'est pas arrivée, pas arrivée parce que pour trouver quelqu’un qui a travaillé comme je travaillais moi, c’était difficile.
Ce n’est pas par flatterie que je le dis.

Interviewer : Bien sûr, bien sûr...


Monsieur Canelas, directeur en intérim et les autres directeurs Écouter cette séquence

Interviewer : Mais, quand il est mort Mr Berre, alors comment ça s’est passé après aux chantiers ?
Madame : Ben, ça s’est passé que la direction a été donnée à Mr Canelas, c’est lui qui a pris l’intérim.

Interviewer : Mr Canelas, il était quoi à ce moment là ?
Madame : Il était chef du département industriel. Alors, il a été nommé directeur d’office parce que comme il y avait déjà des actions qui avaient été menées par le groupe Herlicq pour la… pour éviter encore la catastrophe de la navale, bien qu’on avait encore des bateaux à faire, il fallait… Après Mr Pero, avant de partir, il avait commencé à donner l’idée. Il est allé au Japon pour voir comment travaillaient les japonais. Il avait eu l’idée de faire construire la darse pour qu’on n'ait pas besoin d’aller à l’arsenal.

Interviewer : … D’aller à l’arsenal.
Madame : Oui, oui, oui et pour mettre les éléments en place, du bateau, à sec parce qu’on les faisait sur des cales par morceaux, voyez.
Il y a eu toute une évolution qui s’est faite quand même et après alors, Mr Canelas a pris la direction.
Du coup, Mr Pero est parti et il avait déjà démissionné. Il savait que CNIM se faisait avec Mr Canelas. Il y avait déjà eu des préliminaires, il y avait déjà des projets qui étaient lancés pour la… comment on appelle ça, la ré-industrialisation du département industriel, turbines, appareils évaporatoires, tout ça, c’était eux qui, ce sont… eux qui faisaient ça.

Interviewer : C’est les activités terrestres ça ?
Madame : Voilà, les activités terrestres, les chaudières. Mais petit à petit, Canelas, il a eu … il était tellement ambitieux, pourtant il était GM lui aussi, mais lui il s’en foutait. Il n'a pas fait de, il n'a pas fait de crise d’orgueil comme les autres. Pourtant, il était bien ami avec Grein. Ils étaient pieds-noirs tous les deux.

Interviewer : Gérin, il n'est pas pied-noir, Gérin il …
Madame : Mais, il n'a pas vécu en …

Interviewer : Non, je ne sais pas, je ne crois pas, non parce que lui il vient de Port-de-Bouc. Il est né à Port de Bouc et …
Madame : Ah oui, c’est Canelas, alors…

Interviewer : Et ces études, … bon et puis après je crois que son premier poste, c’est les chantiers de La Seyne.
Madame : Non, ou alors c’est Canelas qui était… peut être à l’école du GM, ils étaient ensemble, peut être, oui.

Interviewer : C’est ça, oui, c’est ça.
Madame : Et Canelas après, ma foi, il n'était là, il était en poste et puis …

Interviewer : Il est resté combien de temps Canelas ?
Madame : Ben, Canelas, il y est toujours là-bas, et il a …

Interviewer : Ah.
Madame : Ah oui, oui, oui, il est à Paris et tout, il continue, il est toujours…

Interviewer : Ah d’accord, donc c’est lui qui a fait la fermeture des chantiers, en fin de compte.
Madame : Non, c’est Mr Roche qui l’a faite. Canelas a été directeur quand CNIM a été bâti, là-bas.

Interviewer : Il est allé à CNIM ?
Madame : Il est allé, là-bas à CNIM, à Brégaillon, oui, oui, oui, mais, à Paris, il était très bien avec Dimitrief.
Il était devenu vraiment un personnage important. Alors que nous, aux chantiers, Mr Gérin, il avait été pressenti pour aller à l’arsenal et puis c’est Regior qui y est allé après la fermeture définitive. On lui a joué un mauvais tour aussi.

Interviewer : Et oui, c’est des gens qui sont partis, Gérin, moi j’ai rencontré Gérin, Bonifay, c’est des gens qui sont partis jeunes, en fin de compte.
Madame : Oui.

Interviewer : C’est important, vous vous rendez compte.
Madame : Ah, Bonifay aussi il était jeune.

Interviewer : Moi j’ai rencontré, enfin Gérin, je le connais, puis j’ai rencontré, comment il s’appelle ? je ne sais plus, celui que je citais là.
Madame : Bonifay.

Interviewer : Non, l’autre.
Madame : Non, pas Canelas, non, non.

Interviewer : Ah, celui qui faisait les plates-formes pétrolières, surtout les plates-formes pétrolières, c’était qui, c’était… ?
Madame : A l’Off-shore ?

Interviewer : Oui, qui est-ce qui faisait ça, c’est quel ingénieur ?
Madame : Il y avait Martin.

Interviewer : Et puis, il y en a un autre.
Madame : Ben à l’Off-shore, j’ai la liste mais là, je ne m’en rappelle plus bien.

Interviewer : Si c’est Bois, Bo, c’est pas Bonifay, c’est …
Madame : Non, non, c’est pas Bonifay.

Interviewer : Enfin bon.
Madame : Oui.

Interviewer : Bon ben, je vais m’arrêter là aujourd’hui. Je vais regarder quand même…